Alors qu’elles échappent plus souvent à la sinistralité routière dans la sphère privée, c’est l’inverse dans le domaine des déplacements professionnels. L’écart en leur défaveur atteint… 55 %. Une différence qui tient en premier lieu à la structure de l’emploi féminin selon une étude de la Dares.
Les femmes sont-elles plus prudentes au volant ? C’est la conclusion à laquelle est parvenue la Sécurité routière. En 2019, ses statistiques montraient que trois fois moins de femmes sont décédées sur la route, que 84 % des responsables présumés d’accidents sont des hommes ainsi que 91 % des conducteurs alcoolisés impliqués dans un accident mortel.
Lorsqu’il s’agit de déplacements professionnels, c’est l’inverse. Selon une étude de la Dares, les femmes sont plus fréquemment victimes d’accidents de trajet que les hommes : 67 accidents pour 10.000 emplois en ETP, contre 43 pour les hommes, soit un écart de 55 %1… Sur l’année 2019, 101.000 accidents sur les trajets professionnels ont occasionné au moins un jour d’arrêt de travail, soit 54 pour 10.000 emplois en équivalent temps plein, tandis que 7.200 ont donné lieu à la reconnaissance d’une incapacité permanente partielle, soit 3,7 accidents de trajet graves pour 10.000 emplois ETP, et que 297 ont été mortels.
La structure de l’emploi féminin
Comment expliquer la différence de sinistralité entre la sphère personnelle et professionnelle ? D’abord par la structure de l’emploi féminin. Les femmes sont plus souvent affectées à des emplois à temps partiel. Des horaires plus souvent morcelés impliquent une fréquence plus élevée de trajets entre domicile et lieu de travail.
Les femmes constituent une part prépondérante de la main-d’œuvre dans des secteurs où l’activité à temps partiel est particulièrement fréquente tels que les activités de nettoyage, la santé et l'action sociale, l'hébergement, la restauration, ainsi que l'éducation. L’analyse des temps de trajets entre le domicile et les lieux d’activité s’avère aussi très instructive. Il apparaît ainsi que ces femmes réalisent des trajets en moyenne moins longs, mais elles doivent davantage faire de détours, notamment pour déposer leur enfant ou aller le chercher, faire des courses, etc.
Cette étude révèle aussi que les personnes, le plus souvent de sexe féminin, « qui ont quotidiennement une coupure importante entre deux périodes de travail font plus de trajets que les autres ». Elles sont en effet 69 % à effectuer deux allers-retours ou plus par jour travaillé, alors que c’est le cas de 29 % de l’ensemble des actifs occupés.
Les secteurs les plus touchés
C’est parmi le personnel du secteur de l’hébergement médico-social et de l’action sociale que la sinistralité liée aux trajets professionnels est la plus fréquente, avec 102 accidents pour 10.000 emplois en ETP. L’étude de la Dares y voit l’effet de l’importante proportion d’emplois à temps partiel, caractérisés par des horaires fragmentés, notamment chez les aides à domicile et les aides ménagères. Les secteurs de l’hébergement et de la restauration affichent aussi une sinistralité élevée (82 accidents pour 10.000 emplois en ETP), ainsi que ceux des services administratifs et de soutien, dans lesquels se trouve l’intérim (75 pour 10.000 emplois en ETP).
Les femmes ne sont pas les seules à être plus touchées par les accidents de trajet dans le cadre professionnel. C’est aussi le cas des salariés plus jeunes et de ceux travaillant dans le secteur social et médico-social. Cette sinistralité est aussi plus fréquente dans les zones très denses en matière de population, en particulier les régions Provence-Alpes-Côte d’Azur et l’Île-de-France.
Les salariés âgés de moins de 20 ans sont particulièrement touchés par les accidents de trajet professionnel (173 accidents pour 10.000 emplois en ETP) et les hommes plus que les femmes, tendance qui s’inverse par la suite. À mesure qu’ils vieillissent, les hommes voient leur taux d’accident se réduire alors que celui des femmes augmente légèrement une fois franchis les 50 ans. Élevée avant 20 ans, la sinistralité baisse rapidement avec l’âge pour se stabiliser au-delà de 40 ans (44 accidents pour 10.000 emplois en ETP).
Âge et gravité des accidents
La gravité des accidents est inversement proportionnelle à l’âge des salariés. Alors que la proportion d’accidents graves est inférieure à 30 % pour les salariés âgés de moins de 20 ans, elle atteint 13 % pour ceux âgés de 60 ans et plus. Cependant, comme les accidents parmi les hommes jeunes sont très fréquents, cette classe d’âge concentre le taux de fréquence des accidents grave le plus élevé (4,6 pour 10.000 emplois en ETP).
A contrario, chez les femmes, c’est parmi celles âgées de 60 ans et plus que se trouve le taux de fréquence des accidents graves le plus élevé (7,3 pour 10 000 emplois en ETP). L’étude y voit l’effet de la fragilité physique, qui peut déboucher sur des séquelles plus importantes, mais aussi des troubles de la vision ou de l'audition, plus fréquents chez les salariés plus âgés et source d’accidents graves.
Les statistiques des années postérieures à 2019 ont été largement affectées par les conséquences de la crise sanitaire consécutive à l’épidémie de Covid. Ainsi, en 2020, le nombre d’accidents survenus sur les trajets professionnels chute de 20 % pour s’établir à 79.400 avant de progresser de 12 % en 2021, où il s’établit à 89.300. L’étude de la Dares y voit le résultat de deux facteurs : la contraction de l’activité ainsi que le recours accru au télétravail.
(1) Étude de la Dares publiée en juin 2024 : Les salariés victimes d’accidents de trajet professionnel en 2019 : une plus grande exposition des femmes