La part des revenus totaux revenant au travail continue de diminuer, affirme un rapport de l’Organisation internationale du travail (OIT). Selon l’agence de l’ONU, cela compromet toute possibilité de réduire les inégalités au sein des pays et entre eux.
L’Organisation internationale du travail sonne l’alerte. Dans son rapport sur les perspectives sociales et de l’emploi dans le monde, publié début septembre, cette agence de l’ONU s’alarme de voir s’aggraver plusieurs tendances négatives pour les travailleurs et le monde du travail. La première concerne les revenus du travail. L’OIT montre que la part mondiale des revenus du travail, c’est-à-dire la part du revenu total perçue par les travailleurs, a diminué de 0,6 point de pourcentage entre 2019 et 2022. Elle observe que cette part est restée stable depuis, ce qui aggrave une tendance à la baisse observée depuis plusieurs décennies.
Le rapport met en exergue le rôle de la pandémie de Covid dans cette évolution négative. Selon l'OIT, il serait responsable d’une baisse de 40 % des revenus du travail durant les années d’urgence sanitaire, entre 2020 et 2022. L’agence de l’ONU estime que cette crise a aggravé les inégalités existantes. Elle a en particulier accéléré la concentration des revenus du capital parmi les plus riches, ce qui a compromis les efforts pour concrétiser l’objectif de développement durable n°10 qui consiste à réduire les inégalités au sein des pays mais aussi entre eux.
Les technologies accélèrent la tendance
Un autre facteur a joué un rôle dans l’aggravation de cette tendance, il s’agit des avancées technologies et plus particulièrement de l’automatisation. L’étude de l’OIT a agrégé les données de 36 pays sur les deux dernières décennies. Si le rapport de l’OIT reconnaît que ces innovations ont stimulé la productivité et la croissance économique, il souligne aussi qu’elles peuvent réduire la part de revenus des travailleurs. Le rapport conclut que ces derniers n'ont pas « bénéficié équitablement [de ces] gains ».
Les auteurs avancent par ailleurs que les progrès enregistrés récemment dans le domaine de l’intelligence artificielle risquent d’accentuer les inégalités si les pouvoirs publics ne prenaient aucune mesure afin d’assurer une équitable répartition des gains générés par l’usage de ces technologies.
L’OIT déplore par ailleurs le maintien à un niveau élevé du nombre de jeunes qui à travers le monde ne sont ni dans l'emploi, ni dans le système éducatif, ni en formation (NEET – not in employment, education, or training). De 2015 à 2024, leur pourcentage dans l’ensemble des jeunes est en effet resté relativement stable, passant de 21,3 % à 20,4 %.
Un taux de NEET très élevé
Les pays arabes comptent le plus fort taux de NEET puisqu’il atteint 33,3 %. Ils devancent l’Afrique (23,3 %), l’Asie-Pacifique (20,4 %) et l’Amérique latine et les Caraïbes (19,6 %). L’Europe et l’Amérique du Nord ferment la marche avec, respectivement, des taux de 13 % et 11,2 %. Paradoxalement, ce sont les régions qui avaient les taux les plus faibles qui ont enregistré la baisse la plus forte des effectifs de NEET. À l’inverse, les États arabes n’ont enregistré qu’un faible progrès tandis que l’Afrique gardait un taux identique sur les deux dernières décennies.
Enfin, le rapport souligne que la persistance d’inégalités entre sexes parmi les jeunes relève de l’instruction et de l’emploi. Le taux mondial de NEET parmi les jeunes filles atteint 28,2 % en 2024, soit plus du double de celui des jeunes hommes (13,1 %). C’est parmi les pays arabes que l’écart entre sexes est le plus élevé (25 points de pourcentage), suivis par l’Asie et le Pacifique (19 points de pourcentage - p. p.), l’Amérique latine et les Caraïbes (17 p. p.) et l’Afrique (12 p. p.). C’est en Europe, en Asie centrale et en Amérique du Nord que les écarts sont les plus faibles (3,5 p. p. et 0,2 p. p.).
(1) Rapport de l'OIT publié en septembre 2024 : World Employment and Social Outlook (Perspectives sociales et de l’emploi dans le monde)