Le plan pour les indépendants annoncé par le président de la République est-il à la hauteur des enjeux ? Patrick Levy-Waitz, créateur de la Fondation « Travailler Autrement » nous confie son analyse.
Comment analysez-vous les mesures pour les indépendants annoncées par le président de la République ?
Patrick Levy-Waitz : Pour bien apprécier les mesures annoncées pour les indépendants, il faut bien comprendre deux éléments. Le premier, c’est que le monde des indépendants recouvre plusieurs réalités. Il y a ceux nés durant l’après-guerre et ceux issus de l’économie des plateformes. Ils répondent à des besoins différents. Il faut donc de la simplicité et de la clarification. Le second, qu’a révélé la crise de la Covid, c’est la fragilité du monde du travail parmi les plus vulnérables, qui ne travaillent pas, mais aussi chez ceux qui travaillent. La crise sanitaire a particulièrement touché les indépendants qui n’avaient pas de protection ad hoc. Pour la première fois, un fonds de solidarité a intégré dans le champ du travail les protections des indépendants. Historiquement, ces derniers n’avaient pas de protection car ils voulaient un statut de liberté pour gérer comme ils le voulaient leur propre existence. Mais beaucoup vivent dans des villes moyennes ou des territoires isolés. Ce qui autrefois tenait lieu de protection, c’est-à-dire la vente d’un fonds de commerce ou de terrains, ne fonctionne plus, compte tenu d’un phénomène de paupérisation. Ils se sont retrouvés dans des situations telles qu’ils n’étaient plus en mesure d’assurer leur activité, ce qui a soulevé la question du patrimoine, que le plan annoncé par Emmanuel Macron vient précisément protéger. La crise a révélé que ce mode de protection n’était plus efficace. Elle a aussi révélé que cette nouvelle fraction des indépendants, que sont les auto-entrepreneurs, portent une problématique mêlant demande de liberté et de protection. C’est un phénomène de société.
Quelle portée peuvent avoir ces mesures ?
P. L.-W. : Ce plan est le premier en tant que tel pour les indépendants. C’est la première fois que le ministère des Finances traite le sujet avec autant de volonté. C’est vrai pour le fonds de solidarité et c’est aussi le cas pour les mesures annoncées par le président de la République. Ce plan règle des questions aberrantes. Si vous n’avez pas commis de faute de gestion, il est normal que votre patrimoine personnel soit protégé. C’est une question de bon sens. La question de l’assurance-chômage mérite d’être posée, compte tenu de la paupérisation du monde des indépendants. Ce qu’ouvre cette réforme, c’est la perspective d’un grand débat de société dont les termes peuvent être posés de la façon suivante : tout travailleur doit avoir droit à un minimum d’assurance-chômage, puis à un complément qui sera fonction des cotisations versées. Il faut un débat pour repenser la protection sociale de façon transversale au monde du salariat et des indépendants et penser à la possibilité du passage d'un statut à un autre.
Quels seront les termes de ce débat ?
P. L.-W. : L’étape suivante devrait être la remise à plat des enjeux sociaux et fiscaux. La création d’un statut unique de l’entrepreneur est une étape centrale. Ce plan est une avancée sérieuse. Il faut s’assurer dans le futur qu’il soit mis en œuvre de façon forte. Avec ce plan, le Gouvernement permet d’aller vers l’indépendance en réduisant les risques. La société doit accepter que la prise de risque soit associée à un filet de protection minimal. Aller plus loin, sur la question de l’assurance-chômage notamment, exige d’évoquer la question du financement. Nous ne pouvons donc pas faire l’économie d’un débat qui réponde à une problématique politique de nature nouvelle. Elle est liée à l’évolution de la société. Aujourd’hui, les personnes souhaitent simultanément plus d’autonomie et plus de sécurité. La transformation de l’assurance-chômage a déjà commencé puisqu’une partie de son financement est désormais assurée par la CSG. L’étape suivante consistera à refondre la totalité des principes de la protection sociale.