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« La diversité ne doit pas être un simple axe de communication : il faut passer à l’action ! »

GRH - Gestion des ressources humaines | publié le : 08.11.2023 | Gilmar Sequeira Martins

Adrien et Fabien Figula Letort, cofondateurs d’AFL Diversity

Adrien et Fabien Figula Letort, cofondateurs d’AFL Diversity.

Crédit photo DR

Adrien et Fabien Figula Letort, cofondateurs d’AFL Diversity, veulent lever les tabous sur les diversités dans le monde du travail. Ils ont tous les deux créé, en 2022, le Grand Prix Diversité et Inclusion, placé sous le haut patronage du ministère de l’Égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations, dont les résultats ont été dévoilés le 7 novembre.

La diversité est souvent évoquée en France, au moins dans le discours, mais qu’en est-il réellement dans les faits et en particulier dans les entreprises ?

Fabien Figula Letort : Certains chiffres laissent penser que la diversité est bien présente en entreprise. En témoignent, par exemple, ceux de la première enquête AFL Diversity intitulée « Diversité et Inclusion en entreprise », dévoilée à l’Unesco en mai 2023 et que nous avons menée avec BVA People Consulting1. Pas moins de 58 % des 1 068 salariés interrogés déclarent appartenir à une ou plusieurs diversités. Autrement dit, les personnes issues de la diversité – et, à cet égard, je précise que les femmes ne sont pas considérées comme faisant partie de la diversité dans l’enquête – sont majoritaires ! Ainsi, parmi ces 58 %, figurent 28 % de personnes se sentant appartenir à la diversité liée à l’apparence physique (surpoids, coupe de cheveux, tatouage, piercing, etc.), 20 % de seniors, 19 % issues de la diversité sociale (quartiers prioritaires de la ville, zones rurales, milieu social...), 15 % en situation de handicap (visible ou invisible), 12 % de la diversité culturelle (origines, couleur de peau...) et 11 % se définissent comme LGBT+. À noter que dans cet ensemble, 26 % se sentent appartenir à plusieurs de ces diversités. Reste que si la diversité existe bien, cette même étude nous révèle que les salariés sont près d’un tiers à déclarer avoir vécu des comportements non respectueux, voire discriminatoires, en raison de leurs différences... Enfin, si, dans notre enquête, 60 % des salariés interrogés disent que leur employeur s’engage sur la diversité, 63 % d’entre eux considèrent qu’il s’agit avant tout d’un axe de communication qui peine à s’incarner au quotidien, tandis que 50 % jugent qu’il ne s’incarne pas du tout dans la vie de tous les jours de l’entreprise. Les organisations doivent donc clairement faire plus et la diversité ne doit pas rester un simple axe de communication, il faut passer à l’action et à l’inclusion !

Y a-t-il une prise de conscience chez les employeurs ?

Adrien Figula Letort : On sent que les entreprises se saisissent de cet enjeu depuis quelques années. Un mouvement est en marche, mais il reste encore des tabous aujourd’hui dans les entreprises, qu’il faut faire tomber. Pour certains, par exemple, parler d’orientation sexuelle – je préfère dire orientation affective – relève de la vie privée. Or il ne s’agit aucunement, pour les LGBT+ pas plus que pour les hétérosexuels d’ailleurs, de parler de leur intimité au travail, mais de simplement se sentir libres de raconter, comme les autres, leur week-end, leurs vacances, leur vie de famille. Alors que les autres salariés, dans l’univers hétéronormé qu’est l’entreprise, le font en permanence. Les personnes LGBT+ sont encore la moitié à cacher leur orientation affective et les stratégies d’évitement (qui vont des récits de vacances escamotés à la volonté de cacher le nom de son ou sa partenaire pour la mutuelle d’assurance de l’entreprise, par exemple) sont légion. Ces personnes ne se sentent pas en sécurité pour être tout simplement elles-mêmes. Imaginez la perte d’énergie et donc de performance qui en résulte... Ces phénomènes ne sont pas circonscrits aux personnes LGBT+. Certains handicaps invisibles – une déficience auditive, par exemple – ne doivent évidemment pas non plus relever de « la sphère privée ». Et cacher d’où l’on vient, où l’on a grandi est également chose courante. Au-delà de la norme hétérosexuelle règne donc aussi dans l’entreprise l’imposition faite aux salariés de la performance et des cases dans lesquelles il faut rentrer pour être accepté.

Est-ce donc avant tout cette culture d’entreprise qu’il faut modifier ?

F. F. L. : C’est un changement de paradigme qui doit s’opérer. Si, auparavant, les salariés devaient s’adapter à l’employeur, les entreprises responsables feront l’inverse. En d’autres termes, elles s’adapteront, pour inclure tous les éléments qui la composent. Il s'agit de la définition même de l’inclusion vs l’intégration. Les salariés sont aujourd’hui particulièrement attentifs à la responsabilité sociétale de l’entreprise, et notre enquête nous montre que les attentes sont les mêmes que sur la partie environnementale.

A. F. L. : Ce serait une erreur de penser que l’humain est inclusif par nature, tout comme l’entreprise, d’ailleurs. Nous entendons régulièrement « l’inclusion et la diversité, cela fait partie de notre ADN. Chez nous, on est inclusif par nature ! » C’est faux ! Nous avons tous des biais cognitifs, ces derniers nous font parfois prendre des décisions qui nous mènent à discriminer. Il faut donc les conscientiser et chausser nos verres correcteurs pour voir la situation telle qu’elle est vraiment. C’est en formant et en sensibilisant à tous les niveaux dans les entreprises que l’on entraîne à identifier et corriger ces biais. C’est d’ailleurs en ce sens qu'AFL Diversity accompagne pour faire tomber les tabous, libérer la parole, faire prendre conscience et déconstruire les biais cognitifs afin de faire vivre la diversité en leur sein. Et tout le monde est gagnant : les salariés se sentent mieux et l’entreprise est plus performante.

Ce « narratif » sur l’amélioration de la performance et de la compétitivité est-il le seul à mettre en avant pour convaincre ?

A.F. L. : En fait, c’est d’un triptyque dont il s’agit. Une entreprise qui recrute dans la diversité et déploie un vrai plan d’action pour l’inclusion est une entreprise qui sera plus attrayante pour les candidats, en particulier les plus jeunes talents, très attentifs à cela. La marque employeur est donc valorisée. Ensuite, c’est un sujet formidable pour engager les collaboratrices et collaborateurs que de les faire participer à l’impact positif qu’a leur entreprise sur la société ! Les ERG (Employee Resource Group) en sont le parfait exemple : des salariés engagés pour le bien-être des autres, quoi de mieux pour donner du sens et avoir envie de se lever tous les matins ! Enfin, l’enjeu de performance est réel, même s’il ne doit pas être le seul levier de motivation. C’est prouvé, une entreprise inclusive et diverse est une entreprise plus performante, plus innovante, qui ressemble à ses clients et donc qui les comprend. Après avoir lancé AFL Diversity, en 2021, et décerné, l’an dernier, des prix mettant en valeur les bonnes pratiques des entreprises en matière de diversité et d’inclusion, voici la deuxième édition.

Qu’a-t-elle de différent ?

F. F. L. : Cette deuxième édition est exceptionnelle ! Nous avons cette année un partenariat avec l’Unesco qui nous a permis de lancer l’événement en mai dernier dans ses locaux, en présence de plus de 300 acteurs engagés de notre écosystème. Et puis les catégories ont évolué, avec une approche par taille d’entreprise. La lumière sera également mise sur des associations ou des collectivités et des institutions qui œuvrent en leur sein pour une meilleure inclusion. Enfin, nouveauté cette année, nous organisons une table ronde à TF1, à laquelle nous avons invité des personnalités comme Élisabeth Moreno, ancienne ministre déléguée à l’Égalité entre les femmes et les hommes, à la Diversité et à l’Égalité des chances, qui animera l’événement, Audrey Derveloy, présidente de Sanofi France, et Anne-Laure Thomas-Briand, coprésidente de l’Association française des managers de la diversité. Le but est de partager les bonnes idées, de donner envie aux entreprises de s’engager, au quotidien, sans relâche, comme nous le faisons avec AFL Diversity par le biais des formations, des conférences et des ateliers que nous organisons chez nos clients.

A. F. L. : Ce qui ne change pas cette année, c’est notre volonté de mettre en avant les meilleures initiatives en France pour inspirer le plus grand nombre. Nous sommes fiers que le jury ait récompensé l’an dernier des organisations aussi différentes que la Gendarmerie nationale pour son plan sur l’égalité, L’Oréal pour l’emploi des personnes handicapées, Each One sur l’emploi des personnes étrangères ou le groupe La Poste pour sa politique sur les aidants. Compte tenu de la qualité des dossiers présentés cette année, nous sommes certains que le nouveau palmarès sera à la hauteur de cette deuxième édition.


(1) Enquête AFL Diversity intitulée « Diversité et Inclusion en entreprise ».

Auteur

  • Gilmar Sequeira Martins