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Les chances de promotion sociale varient fortement selon les départements

Liaisons Sociales Magazine | Formation Continue | publié le : 06.11.2015 | Anne Fairise

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Un jeune à deux fois moins de chances de s'élever socialement dans la Creuse qu'en Ile-de-France, selon France Stratégie. La faute aux différences territoriales d'accès à l'enseignement supérieur. 

Pour prendre l’ascenseur social lorsqu’on est enfant d’ouvriers ou d’employés, mieux vaut être né et avoir grandi à Paris plutôt que dans l’Indre ou la Creuse ! Les chances de promotion sociale varient en effet du simple au double selon le département de naissance, révèle une étude inédite de France Stratégie rendue public ce vendredi 6 novembre.

Celle-ci incrimine les différences territoriales d’accès à l’éducation. De fait, elle montre que les territoires à forte "mobilité sociale ascendante" recoupent ceux où les taux de diplômés du supérieur sont les plus élevés. Surprise, le dynamisme économique des territoires n’apparaît pas déterminant pour expliquer les écarts observés.

Une pierre dans le jardin de la ministre de l’Education nationale et de l’enseignement supérieur Najat Vallaud-Belkacem. L’étude du chercheur Clément Dherbécou met le doigt là où cela fait mal : l’absence de démocratisation réelle de l’accès aux diplômes post-bac, en dépit de la massification de l’enseignement secondaire puis supérieur engagée depuis un quart de siècle.

« Cette inégalité géographique dans l’ascension sociale est frappante dans un pays comme la France qui dispose d’un système éducatif plus unifié que d’autres pays et déploie une politique nationale de promotion de l’égalité des chances », commente Jean Pisani-Ferry, commissaire de France Stratégie.

Disparités marquées

Les chiffres sont sans appel. La proportion d’actifs (nés entre 1965 et 1979), enfants d’ouvriers ou d’employés, qui se déclarent cadres ou membres de profession intermédiaire, atteint 47% à Paris contre 24,7% dans l’Indre ou la Creuse, selon cette analyse de « La géographie de l’ascension sociale ».

Cette dernière dessine une carte de France assez étonnante, avec cinq régions championnes de la mobilité ascendante. Outre en Ile-de-France, territoire champion de la promotion sociale des classes populaires, l’ascenseur fonctionne bien en Bretagne, en Aquitaine, en Midi-Pyrénées (hormis dans le département de l’Hérault) et en Rhône-Alpes.

 « Trous noirs » de la promotion sociale.

En revanche, la Picardie et les régions Nord-Pas-de-Calais et Poitou-Charentes, qui regroupent exclusivement des départements affichant des taux de mobilité inférieurs à 30%, constituent les « trous noirs » de la promotion sociale dans l’Hexagone. Leur situation s’est même dégradée, si l’on compare la mobilité de la génération de baby-boomers nés entre 1950 et 1964 et celle de la génération née entre 1965 et 1979.

Ce décrochage détonne dans le contexte d’élévation générale de la mobilité sociale, où les écarts entre régions sont restés stables depuis un quart de siècle. Au niveau national, la probabilité pour un enfant d’ouvrier de devenir cadre ou membre de profession intermédiaire est passé de 25% en 1977 à 33% en 2003.

Une politique de rattrapage.

Pour faire redémarrer l’ascenseur social pour les fils d’ouvriers et d’employés, France Stratégie suggère plusieurs pistes, parmi lesquelles des incitations à la mobilité géographique des étudiants issus des classes populaires. L’organisme public appelle surtout à « repenser un certain nombre de politiques publiques de l’éducation » pour augmenter les taux d’accès à l’enseignement supérieur, « en priorité dans les zones où ils sont les plus faibles ».

Dans les territoires où l’offre d’enseignement supérieur est la moins importante, un « système de quotas ou de places réservés » pourrait être une solution. France Stratégies propose également, plus classiquement, de développer la coopération entre les académies afin d’améliorer l’orientation des élèves et des étudiants, « par une meilleure coordination des acteurs locaux et par une répartition spatiale plus juste des moyens ». De quoi commencer à initier une vraie politique de rattrapage des territoires défavorisés. 

 

Auteur

  • Anne Fairise