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Le gouvernement sur le pont pour faire redécoller l'alternance

Liaisons Sociales Magazine | Formation Continue | publié le : 12.05.2015 | Manuel Jardinaud

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Confronté à une forte baisse des effectifs d’apprentis, Matignon veut relancer le dispositif. Un outil d'insertion dont tout le monde vante les qualités, sans s'accorder sur les recettes à mettre en œuvre. 

Opération « Sauvons l’apprentissage » à Matignon ! En langage gouvernemental, cela se dit « Mobilisés pour l’apprentissage et la formation ». Le mardi 12 mai, Manuel Valls, accompagné de François Rebsamen, le ministre du Travail, et de Marylise Lebranchu, la ministre de la Décentralisation et de la Fonction publique, reçoit partenaires sociaux et représentants des régions pour relancer une énième fois l’apprentissage.

Le temps presse car les chiffres sont alarmants : en 2014, le nombre d’apprentis a baissé de 3% après une chute de 8% en 2013. Et au premier trimestre 2015, le ministère du Travail annonce encore une diminution des entrées de 13 %… L’objectif des 500 000 jeunes en alternance en 2017 est très loin d’être atteint puisque la barre des 450 000 peine déjà à être dépassée.

Des mesures sans effets

Pourtant, le gouvernement croyait avoir déjà frappé fort en septembre 2014 avec les Assises de l’apprentissage convoquées par le chef de l’Etat. Une journée d’échanges qui avait accouché d’une prime de 1000 euros pour tout nouvel apprenti embauché dans l’année. Aide à laquelle s’ajoutait une somme équivalente versée par les régions aux TPE. Des mesures exceptionnelles qui ne portent pas leurs fruits.

Pour relancer les dispositifs, le gouvernement fait feu de tout bois pour vanter cette filière d’exception. Le 30 avril, François Hollande se rendait à Guipavas, dans le Finistère, pour inaugurer un nouveau centre de formation d'apprentis (CFA) créé par la Chambre de commerce et d'industrie locale. L’occasion de confirmer une nouvelle mesure : lors de la première année, le salaire et les charges sociales de tout apprenti mineur employé dans une TPE sera pris en charge par l’Etat. Un « zéro coût » qui représente une aide de 4400 euros en moyenne par an.

Tournée ministérielle

De son côté, le ministre du Travail bat la campagne pour valoriser l’alternance. Le 29 avril, il signe au nom de l’Etat une convention avec la Fondation Face entérinant la création de la Fondation innovations pour les apprentissages (Fipa). Cette structure a notamment pour mission de « comprendre les besoins des entreprises, identifier les points de difficultés qui peuvent exister, et développer des pratiques innovantes pour y répondre ».

Rebelote ce mardi 12 mai : François Rebsamen se rend à Ris-Orangis, dans l'Essonne, pour la signature d'une convention portant sur le recrutement de 150 apprentis par le groupe DomusVi, spécialisé dans l’hébergement des personnes âgés. L’occasion, une nouvelle fois, de vanter cette fameuse excellence des filières d’alternance qui ne séduisent pourtant plus les jeunes ni les entreprises…

Sous pression, le gouvernement ? En tout cas, dans la ligne de mire des inquiets de tous bords. Le coup de semonce date du 14 avril, lorsque Pierre Gattaz, le président du Medef, réclame « l’état d’urgence » pour l’apprentissage. Outre une mission spécifique sur le sujet associant un chef d’entreprise et un parlementaire, il exige alors une plus grande facilité de séparation d’avec l’apprenti et une simplification administrative pour l’embauche.

Guerre de propositions

Dans la foulée, l’Association nationale des apprentis de France (Anaf) avance ses propositions, en se focalisant notamment sur la baisse du taux de rupture. Selon l’organisme, celui-ci atteint 21%. L’Anaf souhaite le faire descendre à 10% à l'horizon 2020, en formant mieux les formateurs et en renforçant l’accompagnement des jeunes lors de leur orientation. Une approche originale mais peu audible.

Les lobbies ne désarment pas avant la réunion à Matignon. Ainsi de la CGPME, qui sort son catalogue sur « Ce qui doit changer » dans l’apprentissage. Parmi les mesures phares, la réforme du bac pro pour mettre fin aux contrats de trois ans sur lesquels les PME s’engagent peu. L’organisation patronale demande, sous une forme nouvelle, la pérennisation de la prime de 1000 euros pour les entreprises jusqu’à 250 salariés et l’instauration d’un « crédit d'impôt apprentissage » de 1200 euros pour chaque apprenti. Autre piste, la facilitation de la rupture du contrat.

S'inspirer du "modèle" allemand

Les entreprises intermédiaires ne sont pas en reste. Via l’Institut Montaigne, l’Asmep-ETI (syndicats des entreprises de taille intermédiaire) a produit un travail de fond pour élaborer des propositions. Le socle de la réflexion : s’inspirer du fameux modèle allemand, pourtant à bout de souffle. Un document d'une centaine de pages qui contient quelques idées forces : placer l’animation de la politique d’apprentissage sous le patronage exclusif du ministère de l’Education nationale, mieux définir et renforcer le pouvoir des régions, créer une agence nationale dédiée afin d'éviter la dispersion des énergies. Ou encore faire de l’apprentissage la voie « de droit commun » pour les filières pro dans le secondaire.

Les syndicats, eux, restent discrets. Hormis la CGT, qui a appelé à l’organisation urgente d’Assises de l’alternance et revendique la fin de la dérèglementation à outrance des conditions de travail des apprentis. Murées dans leur silence, les autres confédérations attendent, elles, probablement les nouvelles annonces du gouvernement.

Auteur

  • Manuel Jardinaud