La CGPME et les organismes de formation haussent le ton. Ils accusent le nouveau CPF de tous les maux et s'inquiètent des baisses des budgets. Des critiques pas toutes justifiées.
Alors qu’il présente le projet de loi sur le dialogue social ce mercredi 22 avril en conseil des ministres , François Rebsamen doit aussi gérer les soubresauts d’une autre réforme, celle de la formation professionnelle. Car la mise en œuvre de la loi du 5 mars 2014, et notamment celle du Compte personnel de formation (CPF), n’en finit pas d’attirer les critiques. À tel point qu'on peut aujourd'hui parler d'un « CPF bashing ».
Aux avants postes, la Fédération de la formation professionnelle (FFP), représentant les organismes de formation, tire à vue. Elle a écrit au ministre du Travail pour lui faire part de ses inquiétudes. « Dans un an, nous risquons d’être tous morts », alerte Jean Wemaëre, son président. Il évalue à près de 20% la perte de chiffre d’affaires des entreprises du secteur en ce début d’année. Un chiffre impossible à vérifier.
Pour Jean Wemaëre, les causes de la catastrophe annoncée sont multiples. En premier lieu, l’abandon du Droit individuel à la formation (DIF) au profit du CPF. Un dispositif plus contraignant, qui ne permet de financer que des formations certifiantes, qualifiantes ou diplômantes, souvent longues et chères. « On avait autrefois 50000 DIF par mois, aujourd’hui on a un seul CPF depuis janvier », clame-t-il. Un chiffre agité comme un chiffon rouge pour marquer les esprits.
Compte personnel de #formation: En 3 mois, seulement une personne a pu bénéficier du nouveau dispositif http://t.co/vWI4LOc4Hm
— FPP Actu Formation (@FPP_Formations) 15 Avril 2015
Manipulation, répond-on à la Délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) : « Ce chiffre correspond à la seule formation, via la validation des acquis de l’expérience, qui a été entièrement effectuée à ce jour. Nous dénombrons 600 dossiers validés avec des salariés entrés ou qui vont entrer en formation. » La DGEFP affirme qu’environ 400 nouveaux dossiers sont initiés quotidiennement.
Modulariser les formations
La montée en charge est, il est vrai, lente. Car, contrairement au DIF, les formations éligibles au CPF sont plus complexes à intégrer. Et, selon les branches, toutes les modalités de financement ou d’abondement ne sont pas encore connues. Un frein qui devrait peu à peu être levé.
La mise en œuvre du CPF est également ralentie par deux autres facteurs. Tout d'abord des problèmes techniques, réels, qui subsistent au sein du site Internet dédié. A l'image de l’interconnexion inaboutie avec les système d’information des Opca, qui ralentit le traitement des dossiers. Seconde difficulté, les formations éligibles ne sont pas suffisamment découpées en modules.
Au Copanef, l’instance paritaire chargée de sélectionner les formations, on reconnaît qu’il faut rapidement « les rendre éligibles en sous-éléments, même si 30% des certifications sont déjà découpées en blocs de compétences ». C’est le cas de celles délivrées par le ministère du Travail, rappelle d'ailleurs la DGEFP.
Nombre d’organismes de formation n’ont, de fait, pas du tout anticipé la réforme. En ne travaillant ni sur la certification de leur offre, ni sur son découpage pour la rendre plus accessible aux financements. Le décret d’application date pourtant d’octobre 2014… Jean Wemaëre rejette l’argument, parlant de « parcours du combattant ». Et fait porter la responsabilité sur le législateur et les partenaires sociaux.
Abandon des plans de formation
Au-delà du CPF, qui tient lieu de symbole d’une apparente déroute de la réforme, un autre phénomène est mis en avant. Les entreprises n’auraient, ainsi, plus d’argent pour former leurs salariés. « C’est une catastrophe, les plans de formations sont abandonnés », observe François Asselin, le président de la CGPME.
Les chefs d’entreprise pessimistes sur la réforme de la formation professionnelle http://t.co/3FFqpX3P32 via @Dynamiquemag
— FPP Actu Formation (@FPP_Formations) 16 Avril 2015
Une affirmation qui fait bondir Jean-Patrick Gilles, rapporteur de la loi à l’Assemblée nationale. « Ces attaques sont orchestrées par la CGPME, qui relance les débats en cours lors des négociations. Or, personne n’a pris l’argent. On a certes modifié les circuits mais il n'y aura de baisse des moyens que si les entreprises le décident, en mettant moins pour la formation. » À demi-mot, la FFP reconnaît la responsabilité des employeurs : « Comme il n’y a plus d’obligation de financement, il existe une forte pression des directeurs financiers pour faire des économies », explique Jean Wemaëre.
Liberté de former
C’est bien là que le problème se pose. Dans un contexte économique toujours tendu, la suppression de l'obligation légale incite les dirigeants à revoir les budgets de leur plan de formation à la baisse. Des pratiques en totale contradiction avec le discours faisant de l’employabilité des salariés la priorité pour la compétitivité… Et un échec pour le Medef qui, signataire de l'accord interprofessionnel, ne parvient pas à convaincre ses adhérents de jouer le jeu.
Tous les acteurs se retrouvent néanmoins sur un point. Cette réforme, structurelle, en cours de déploiement, nécessite des ajustements et des changements de posture. Qui auraient dû conduire ses artisans à instituer une année de transition.
De la DGEFP aux Opca, les promoteurs de la loi se veulent néanmoins pédagogues. Et espèrent faire taire rapidement les critiques. Agefos PME vient de produire un webdoc, le premier du genre, pour sensibiliser ses adhérents. D’autres collecteurs, tel Opcalia, multiplient les actions de sensibilisation. Et de pédagogie.