Quel impact aura la transition écologique sur les métiers, les compétences et l’emploi ? L’Opco 2i s’est livré à cet exercice difficile. L’enjeu est particulièrement important pour cet opérateur de compétences interindustriel. Il couvre en effet trente-deux branches professionnelles, soit plus de 60.000 entreprises employant 2,8 millions de salariés, soit une masse salariale de 117 milliards d’euros. Compte tenu des répercussions massives de la transition écologique, l’Opco 2i a donc réalisé une étude dans le cadre du plan d’investissement dans les compétences (Edec Prospective compétences interindustriel) qui avait pour but d’établir « une évaluation précise de cette évolution et de son impact sur les métiers et les compétences à l’horizon 2025 ». Ce travail a porté sur 230 métiers correspondant à 8.000 compétences.
L’analyse des données recueillies fait apparaître que peu de métiers nouveaux devraient figurer hors domaine numérique proprement dit. Les entreprises prévoient cependant une « hausse nette des effectifs […] en particulier pour les profils ingénieurs et chercheurs, techniciens supérieurs et agents de maîtrise ». Elles estiment par ailleurs que la transition écologique peut constituer un « levier d’attractivité » pour ces profils qualifiés.
Quels sont les postes qui devront le plus évoluer? D’abord, ceux dédiés aux achats et à l’ingénierie et à la R&D. L’étude estime que « 50% à 70% des macro-compétences sont à renforcer » et que ce mouvement peut conduire à des spécialisations. Les entreprises anticipent ainsi un besoin accru d’acheteurs maîtrisant les filières alternatives d’approvisionnement, mais aussi capables d’intégrer des critères environnementaux et de maîtriser les évolutions réglementaires. Les ingénieurs et les spécialistes de R&D devront, de leur côté, renforcer leurs compétences sur l’analyse du cycle de vie et l’éco-conception, une dynamique qui pourrait faire naître une spécialisation comme celle d’ingénieur éco-concepteur.
Trois familles de métiers ne devraient avoir qu’à renforcer environ 40% de leurs macro-compétences. Une première famille correspond à un ensemble regroupant les spécialistes de la logistique, des déchets, de la sécurité, de la qualité et de l’environnement. Ils devront augmenter leur expertise sur l’impact et les risques tout en rendant plus facile le changement. La deuxième famille, les métiers d’ingénierie d’affaires et technico-commerciaux, devra intégrer des connaissances liées à l’éco-conception. Par ailleurs, les spécialistes des méthodes et de l’industrialisation vont devoir se pencher sur les moyens de concevoir des process plus économes en énergie et en matières premières. Une troisième catégorie regroupe les métiers dont seulement 10% à 30% des macro-compétences seront impactées: il s’agit de ceux liés à l’installation-maintenance et à la fabrication, qui devront mieux optimiser la consommation d’énergie et d’autres ressources.
Parmi les vingt macro-compétences à renforcer sur la plupart des postes, cinq sont cruciales, car elles sont mobilisées par un « nombre très important » de salariés. Il s’agit des connaissances liées à la QHSE (Qualité, Hygiène, Sécurité et Environnement), ce domaine incluant la connaissance des nouveaux risques liés en particulier à l’utilisation d’hydrogène ou à l’électrification des équipements ; à la conception ; à la définition de la faisabilité et de la rentabilité d’un projet en incluant la dimension environnementale ; à la mise en place d’une veille sur les technologies et les réglementations, « en évolution constante » ; enfin, à la maîtrise des caractéristiques des matières et matériaux, en intégrant systématiquement la dimension environnementale.
Bien qu'elles concernent un nombre plus restreint de salariés, d’autres macro-compétences doivent être renforcées: l’analyse du cycle de vie et les savoirs en éco-conception à maîtriser par les métiers de la R&D et à mobiliser par les technico-commerciaux ; la maîtrise des normes environnementales, en lien avec le durcissement de la réglementation et les attentes des parties prenantes, ainsi que les connaissances en techniques d’usinage et fabrication additive très liées à l’optimisation de matière et d’énergie.
Malgré l’importance des besoins en formation, une très large majorité des entreprises restent dans le flou: sept sur dix ont peu ou n’ont pas du tout identifié leurs besoins en formation associés à la transition écologique. La complexité des enjeux rend difficile l’identification des compétences à renforcer ainsi que les formations nécessaires. L’étude note qu’une majorité d’entreprises souhaitent la mise en place dans leurs locaux d’actions de formation sur la transition écologique.