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Agefos-PME veut assurer contre les « incertitudes de la réforme »

Entreprise & carrières | Formation Continue | publié le : 09.02.2015 | Laurent Gérard

Les partenaires sociaux qui pilotent Agefos-PME souhaitent proposer aux entreprises, à partir de mi-2015, un système d’assurance formation contre les risques nés de la réforme en cours. Un dispositif auquel les entreprises adhèreraient sur la base du volontariat.

Une assurance formation, un peu à l’image de ce qui se pratique dans le monde mutualiste ; une assurance contre les risques ­financiers et sociaux créés par la réforme de la formation en cours (bilan des entretiens professionnels à six ans, lissage des investissements du plan de formation…), comme on se prémunit contre les risques santé, retraite, chômage…

Voilà ce que les partenaires sociaux, créateurs et gestionnaires du plus important Opca de France espèrent proposer à partir de mi-2015 à toutes les entreprises, surtout celles de 10 à 300 salariés, sur la base du simple volontariat. Un système souhaité “signable” par les entreprises durant le second semestre 2015, et comptabilisable dans les comptes Agefos-PME dès la collecte de février 2016 sur les masses salariales 2015.

L’enjeu est d’importance pour les petites entreprises qui pourraient y trouver une assurance-mutualisation qu’elles ont perdue du fait de la réforme, pour la CG­PME, qui y joue une carte politique majeure face au Medef dont elle n’a pas signé la réforme, et aussi pour la structure Agefos-PME en tant que telle : les versements plan de formation des entreprises de plus de 10 salariés pèsent pour environ 450 millions d’euros dans la collecte de l’Opca – soit environ la moitié de sa collecte totale –, dont 120 millions de complémentaire volontaire.

Et, pour mener à bien ce projet, lesdits partenaires sociaux (la CGPME et les cinq confédérations de salariés) devraient signer unanimement d’ici à fin février l’accord national interprofessionnel de refonte d’Agefos qu’elles ont négocié récemment. Unanimement, car même la CGT est favorable à ce texte, selon Jean-Philippe Maréchal, un des négociateurs de la centrale de Montreuil.

Prévenir les risques
« Nous voulons envoyer le message aux entreprises qu’il ne faut pas baisser la garde de l’investissement en formation, tout en leur offrant un moyen de lisser les charges et de prévenir les risques, explique Jean-Michel Pottier, négociateur pour la CGPME. Les entreprises, notamment celles de taille intermédiaire, sont orphelines d’un système de mutualisation des financements du fait de la réforme. Le CPF n’est pas l’alpha et l’oméga de la formation, mais il comporte une possibilité de sanction tous les six ans, et de forts risques de contentieux juri­diques. Par ailleurs, le plan de formation décidé par l’entreprise est un levier économique fon­damental, mais il est en panne de financement. Cet accord paritaire et le système d’adhésion volontaire que nous construisons ­visent à aider les entreprises sur tous ces points. »

« Avec cet ANI, l’Agefos PME se donne une capacité à faire un système de mutualisation intéressant, alors que l’ANI de 2013 et la loi débouchent sur une réduc­tion d’un tiers des moyens, analyse Jean-Philippe Maréchal, de la CGT. On sait que certaines branches sont déjà d’accord sur le principe, notamment celles réunissant un grand nombre de PME qui ont des besoins de formation cycliques et ponctuels. Cette initiative est un contre-pied réaliste aux discours sur la nécessaire baisse des charges et sur l’intérêt de la fin de l’obligation légale, orchestrés par le ­Medef et le gouvernement. Reste un gros travail technique à mener, mais, jusqu’à présent, la négociation avec la CGPME a été constructive et loyale. Et rien n’empêche les autres Opca de penser à des systèmes équivalents ».

Un travail technique et politique en vue
Catherine Bourrut, de la CFDT, partage l’analyse sur le besoin, et insiste également sur l’important travail technique et politi­que qui doit encore être fourni par le conseil d’administration de l’Opca, notamment sur la question de la définition des pour­centages de mutualisation. Car, « sans fonds mutualisés, comment amorcer la pompe et comment offrir, notamment aux PME, la possibilité de consommer ­davantage que ce qu’elles ont versé quand cela est nécessaire et justifié ? ».

Techniquement, le système s’articulera autour de deux formules d’adhésion volontaires et d’un fonds spécifique de mutualisa­tion (lire ci-dessous). Est-ce qu’une quote-part des adhésions, et notamment de la seconde sur trois ans, sera d’office prélevée pour amorcer l’effet de mutualisation ? C’est tout l’enjeu d’un prochain débat très sensible. Les ­organisations syndicales ne voient pas comment, mécaniquement, le système pourrait fonctionner sans quote-part mutualisée d’office.

« Nous faisons le pari que la mutualisation a du sens et qu’elle peut fonctionner même en facultatif », conclut, pour l’heure, Jean-Michel Pottier. La CGPME verrait d’un bon œil un coup de pouce gouvernemental dans ce chantier. Par exemple, la création d’un crédit d’impôt calculé sur des clauses de départs en formation des plus bas niveaux de qualification, financées par ce fonds spécifique…

 



Deux formules d’adhésion et un fonds spécifique de mutualisation

Le système proposé par Agefos-PME s’articulerait autour de deux offres d’adhésion volontaires et d’un fonds spécifique de mutualisation. Toute entreprise, relevant ou non d’une convention collective nationale, pourra verser à Agefos-PME en tant que fonds d’assurance formation des contributions volontaires au-delà de sa contribution légale obligatoire. Les fonds collectés seront à la disposition de l’entreprise pendant la durée de la convention d’adhésion. Sauf renouvellement de cette convention, les sommes non utilisées seront mutualisées à l’issue de celle-ci dans le fonds spécifique de mutualisation.

Gestion du plan

La première formule d’adhésion volontaire
, intitulée “plan de formation”, vise à répondre à « la gestion de tout ou partie du plan de formation » : aider à la définition des besoins en formation, notamment au regard de ses obligations légales (état récapitulatif du parcours professionnel…) ; favoriser les démarches de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) ; lisser l’investissement formation dans le temps et optimiser ses ­financements par l’accès au fonds spécifique de mutualisation et/ou à des fonds publics. L’adhésion sera annuelle ou pluriannuelle. L’entreprise reste libre de dénoncer la convention à la fin de chaque période annuelle. « Cette formule est la continuité de ce que l’Opca propose aujourd’hui dans le cadre du 0,9 %, et vise à alléger la tâche des entreprises », explique Joël Ruiz, directeur général d’Agefos-PME.

La seconde formule d’adhésion volontaire, intitulée “garantie formation”, n’est pas encore techniquement construite. Elle impliquera un engagement sur trois ans, et visera surtout les PME. Au-delà des services offerts dans l’adhésion “plan de formation”, elle proposera de garantir à l’entreprise, au regard de ses nouvelles obligations sociales, « la possibilité d’être en conformité, en particulier, vis-à-vis des états récapitulatifs des parcours professionnels des salariés », et « l’allègement de sa charge administrative par la mise à disposition d’outils de gestion de la formation et un suivi analytique de ses ­dépenses de formation ainsi qu’un historique des formations financées ». Explicitement, cette adhésion vise à favoriser l’in­vestissement formation et à réduire les risques dus aux nouvelles obligations de formation, de promotion ou d’augmentation salariale sur une période de six ans, renseignée dans les entretiens professionnels tous les
deux ans.

Un conseil juridique et l’accès au logiciel Navig RH sur l’analyse des risques sont prévus. Les modalités de consommation des fonds seront précisées par le conseil d’administration de l’Opca, la définition d’un montant minimal mutualisé d’office et celle des frais de gestion ne sont pas encore fixées.

Ces deux formules d’adhésion ouvriront droit au “fonds spécifique de mutualisation”, alimenté par « les sommes non utilisées » des deux conventions d’adhésion volontaires, par les fonds mutualisés issus des versements au titre du plan de formation sur la masse salariale 2014 ou antérieure, ainsi que par les futures contributions légales plan de formation : 0,2 % de la masse salariale pour les entreprises de 10 à moins de 50 salariés et 0,1 % pour les entreprises de 50 à moins de 300 salariés.

« Ce fonds, principalement créé au bénéfice des entreprises de 10 à moins de 300 salariés, fonctionnera dans le cadre d’une fongibilité asymétrique descendante, des plus importantes aux plus petites entreprises, assure Joël Ruiz. Ceci, afin d’éviter le siphonnage des fonds par les plus gran­des entreprises et le financement de formations surcotées et de confort. »

Auteur

  • Laurent Gérard