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Taxation des CDD, la fausse-bonne idée du gouvernement ?

Liaisons Sociales Magazine | Mobilités | publié le : 10.03.2016 | Manuel Jardinaud

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Pour répondre à la mobilisation contre l'avant-projet de loi El Khomri, le Premier ministre propose d'étudier une taxation des contrats courts. Une mesure déjà en place depuis 2014 et dont les effets positifs sur l'allongement de la durée des CDD sont peu convaincants.

Cajoler la gauche, rassurer les jeunes et contrer les syndicats les plus virulents, tout en s’inspirant d’une mesure déjà prise par l’ensemble des partenaires sociaux… Manuel Valls aurait-il trouvé le Graal pour atténuer la fronde sur la réforme du code du travail en proposant de taxer les CDD ? Rien n’est moins sûr.

La convention de l’assurance chômage de 2014, qui est actuellement en renégociation, a introduit « une modulation des contributions », avec notamment une sur-contribution sur les contrats courts jusqu’à trois mois. L’Unédic, en novembre 2015, a opéré une évaluation de cette mesure qui avait « pour objectif d’inciter les employeurs à allonger la durée des contrats notamment à durée déterminée ».

Bilan guère prometteur

Le dispositif est un peu complexe : sur les cotisations chômage, une taxation supplémentaire de 0,5% a été mise en place pour les CDD d’usage de moins de trois mois, une de 1,5% pour les CDD de 1 à 3 mois, et une autre de 3% pour ceux inférieurs à 30 jours. Avec un certains nombres d’exonérations selon les secteurs…

Le bilan n’est guère encourageant concernant l’effet positif sur l’allongement de la durée des contrats. « Le nombre d’embauches en CDD d’un mois ou moins, indique le rapport de l’Unédic, poursuit sa progression sans signe d’affaiblissement avant le deuxième semestre 2015. » En outre, les CDD au-delà de 30 jours progressent également, alors qu’ils étaient en diminution depuis fin 2013.

Une affaire de conjoncture

Devant ce constat qui ne plaide pas en faveur de ce dispositif, le gouvernement peut néanmoins s’appuyer sur un élément mis en exergue par l’Unédic. A savoir la difficulté de dissocier le rôle de cette nouvelle taxation et celui de la conjoncture économique. L’institution remarquant que « le volume d’embauches via des CDD de plus d’un mois évolue de concert avec le climat des affaires ». Avec une diversité très large suivant les secteurs étudiés.

Le gouvernement fait aussi un appel du pied à la CGT, très en pointe sur le sujet. Le 9 mars, la centrale de Montreuil a présenté des pistes pour la négociation de l'assurance chômage. Mais avec des taux de taxation qui ont dû faire bondir à Matignon et rue de Grenelle : 12,4% pour les CDD inférieurs à un mois, puis 10,4% jusqu'à 2 mois et enfin 8,4% jusqu'à 6 mois. Soit une sur-taxation de deux à six points supplémentaires par rapport au taux normal (6,4%)...

Au regard de l'analyse faite par l'Unédic, la proposition gouvernementale - sur laquelle le cabinet de Myriam El Khomri ne souhaite pas communiquer au-delà des déclarations de la ministre - se révèle donc plus un pari politique lié à la conjoncture et à la fronde actuelle plutôt qu’une mesure rationnellement efficace. Mais, dans le climat de tension d'aujourd'hui, tout est bon pour sortir de l’impasse.

 

Auteur

  • Manuel Jardinaud