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Sécurité sociale, visa : quelles conséquences pour les expatriés français ?

Liaisons Sociales Magazine | Mobilités | publié le : 01.07.2016 | Emmanuelle Souffi

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Le gouvernement britannique va devoir négocier le maintien ou non des principes de libre circulation et l'harmonisation des droits sociaux. Seule certitude, le Brexit aura des répercussions pour les Français travaillant outre-Manche.

À quelle vitesse le gouvernement britannique respectera-t-il la volonté de ses électeurs, qui ont voté en majorité pour leur sortie de l’Union européenne ? Incapables de répondre à cette question, les entreprises françaises qui emploient de nombreux expatriés au Royaume-Uni en sont réduites à s’interroger sur les conséquences d’un tel divorce. Et elles sont potentiellement nombreuses.

Près de 126 804 Français vivent ainsi au Royaume Uni. Parmi eux, une bonne partie a élu domicile à Londres. Vont-ils pouvoir y rester ? Leur départ n’est en tout cas pas pour demain. D’abord parce que les stratégies anglaises et européennes divergent. «Le gouvernement anglais souhaite discuter des conditions de sortie avant d’actionner l’article 50 du traité de Lisbonne qui encadre la clause de retrait de l’Union», souligne Guillaume Bordier, avocat associé au cabinet Capstan. Ce que refuse mordicus le Conseil européen, qui appelle le Royaume-Uni à engager rapidement la procédure. Ensuite, une fois le départ notifié, des négociations pourront démarrer. Elles doivent durer deux ans, renouvelables une fois, soit quatre ans maximum.

Visa ou pas ?

A l’avenir, les salariés français et européens auront-ils besoin d’un visa et d’un permis de travail ? Aujourd’hui, en vertu du principe de liberté de circulation et d’installation des travailleurs, aucune formalité n’est exigée. «Demain, seront-ils traités comme les ressortissants d’un pays tiers avec la nécessité d’avoir une autorisation de travail et de séjour ou bien bénéficieront-ils d'un statut particulier sur le modèle de la Norvège ?», s’interroge l’avocat de Capstan.

La Norvège adhère à l’espace économique de libre échange qui maintient une certaine liberté de circulation. En retour, elle verse une contribution à l’UE. «Les Anglais accepteront-ils de financer une telle liberté alors qu’à travers le Brexit, le peuple a souhaité protéger son marché de l’emploi contre les flux migratoires ?» soulève Guillaume Bordier.

Si aucun aménagement n’est retenu, des accords bilatéraux vont devoir être négociés avec chacun des pays de la zone euro. Et là, l’attractivité anglaise risque d’en prendre un sacré coup. Car les visas des "skills workers" – les salariés hautement qualifiés – sont loin d’être gratuits. De 6052 livres (7228 euros) à l’heure actuelle, leur montant passera à 11000 livres (13139 euros) en avril 2017. Si les établissements bancaires, par exemple, comptent envoyer à Londres des traders de l'UE, l’addition risque d’être vite salée… À tel point qu’ils choisiront peut-être de les transférer sur une autre place financière.

Droits sociaux

Autre écueil de taille, le maintien des droits à la sécurité sociale. En vertu d’un règlement européen, un salarié français qui cotise au Royaume-Uni bénéficie de ses droits sociaux (assurance chômage, santé, retraite) à son retour dans l'Hexagone. «Aujourd’hui, c’est neutre d’envoyer quelqu’un au Royaume Uni. Mais demain, l’employeur devra garantir et financer la continuité des droits», prévient Alexandra Stocki, avocate associée au cabinet Bird & Bird. Pour un cadre supérieur, il peut lui en coûter jusqu’à… 800000 euros, tout compris !

Seul espoir, que le Royaume-Uni négocie au cas par cas des règles d’harmonisation des systèmes sociaux. «Je ne vois pas le gouvernement britannique revenir, pour les pays historiques de l'UE, sur les socles fondamentaux, analyse Alexandra Stocki. Mais s’il est cohérent, il appliquera des dispositions différentes selon les États, notamment ceux d’Europe de l’Est qui ont cristallisé les mécontentements.» Pas sûr néanmoins que Bruxelles accepte un deal créant une Europe à plusieurs vitesses…

Auteur

  • Emmanuelle Souffi