logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

"Dénigrer les pauvres, ça n’est pas une opinion, c’est un délit"

Liaisons Sociales Magazine | Mobilités | publié le : 29.06.2016 | Emmanuelle Souffi

Image

Près de neuf millions de Français vivent en dessous du seuil de pauvreté. Auteur d'une proposition de loi instaurant la discrimination à la précarité sociale, Yannick Vaugrenard pointe les risques d'exclusion qui les frappent doublement.

Pourquoi introduire un 21ème critère de discrimination ?

Les personnes en situation de grande pauvreté sont victimes d’une double peine : la précarité et la stigmatisation. Qu’il s’agisse de refus d’accès aux soins, de refus de location, de discrimination à l’embauche… 8,7 millions de Français, soit 14,3% de la population, la subissent. Un enfant sur cinq, et même un sur deux dans les zones sensibles, vit en dessous du seuil de pauvreté, qui est fixé à 970 euros par mois. Cette proposition était notamment portée de longue date par ATD Quart Monde.

Quelles formes ces discriminations prennent-elles ?

Prenons l'exemple d'un enfant inscrit à la cantine qui, du jour au lendemain, se voit refuser l'accès à le restauration collective. Parce que les services de la mairie ont appris que sa mère est au chômage et peut donc théoriquement le faire déjeuner. Alors même que rechercher un emploi demande du temps et que, bien souvent, le repas du midi est le seul repas équilibré de la journée. Autre exemple, celui d'un orthodontiste qui refuse de soigner un enfant dont la famille n’a plus de mutuelle et qui tombe sous le régime de la CMU.

Comment définir la précarité sociale ?

La loi du 25 juin 2016 la définit comme "la particulière vulnérabilité résultant de la situation économique apparente ou connue". Il s'agit de personnes souvent privées d’emploi et qui, en raison de difficultés économiques, peinent à accéder à la culture, au sport, aux soins. À une vie décente, tout simplement. Durant les auditions, ce qui m’a frappé, c’est l’hérédité de la pauvreté : à 90 %, ceux qui sont pauvres avaient des parents et grands-parents qui l’étaient également.

Mais les discriminations vont être difficiles à prouver…

Cette loi a une portée symbolique forte plus que juridique. Il existe aujourd’hui une idéologie dominante qui, sous prétexte que le pays va mal, en vient à montrer du doigt une partie de la population. Ca suffit de dire qu’il faut contrôler les bénéficiaires du RSA ! Les abus existent dans tous les domaines. La fraude au RSA, c’est 355 millions d’euros par an. Celle à l’impôt sur les sociétés, 27 milliards d'euros ! A travers des exemples criants de discrimination à la pauvreté, nous ferons prendre conscience que ce type d’agissement n’est pas tolérable. Dénigrer les pauvres, ça n’est pas une opinion, c’est un délit.

Auteur

  • Emmanuelle Souffi