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"Aucun chômeur ne passe tout son temps à rechercher un emploi"

Liaisons Sociales Magazine | Mobilités | publié le : 28.01.2016 | Manuel Jardinaud

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Ce professeur à l'IEP Paris décrit les périodes de chômage comme une succession de cycles de découragement et de recherche active. À l'aube de la renégociation de la convention Unedic, il insiste sur la qualité de l'accompagnement.

Dans l'étude "Affronter le chômage", vous évoquez la recherche d’emploi comme une épreuve et non comme un programme. Que voulez-vous dire ?

La recherche d’emploi ne procède pas d’une grande rationalité. Il n’y a pas de programmation active, régulière et maitrisée de la part de l’individu au chômage. Aucun demandeur d’emploi ne parvient à maintenir une recherche active dans le temps. Il finit toujours par craquer et doit s’adapter aux difficultés rencontrées. En fait, aucun chômeur ne passe tout son temps à rechercher un emploi. Il aménage des plages identifiées, maitrisées, qui peuvent être composées de quelques heures le matin, un jour ou une semaine sur deux. Chacun se protège pour mieux s’investir dans des moments dédiés.

Vous dites également que « chacun bricole pour résister »…

Les demandeurs d’emploi doivent surmonter une suite de désillusions, parfois très fortes, liées à un non recrutement ou tout simplement à l’usure. Chacun a donc son truc pour résister. Cela dépend notamment de sa capacité à faire autre chose, c'est-à-dire une activité qui compose une vie dite normale comme s’occuper de sa famille, pratiquer un sport, s’impliquer dans du bénévolat. Ce sont des moments peu visibles mais essentiels dans la recherche d’emploi. Car, avant de retrouver du travail, on se cogne, on trébuche de nombreuses fois. La recherche d’emploi est une somme d’échecs avant une possible réussite.

Quelle place tient Pôle emploi dans cette période ?

Pôle emploi ne semble pas central auprès des chômeurs. Il fait partie de ce qu'on pourrait nommer un "ensemble hétéroclite de l’accompagnement". La famille et les amis en sont une composante forte. Le chômeur se retrouve au centre d’avis dissonnants, voire discordants, entre l’entourage et Pôle emploi. Parmi ceux qui retrouvent un travail, certains disent qu’ils ont pu bénéficier de l’écoute d’une personne qui a compté, parfois un conseiller du service public de l’emploi ou un bénévole d’une association. En tout cas, quelqu’un de confiance. Cette confiance ne s’acquiert que si elle est déconnectée de tout risque, notamment de sanction. L’accompagnement efficace, le plus valorisé par les demandeurs d’emploi, est donc celui où l’on peut échanger, cheminer. Cela exige du temps. C’est pourquoi les chômeurs se tournent de plus en plus vers d’autres interlocuteurs que Pôle emploi.

À la veille de la négociation Unedic, comment jugez-vous le débat sur le raccourcissement de la durée d’indemnisation ?

La période de recherche d’emploi est devenue composite et complexe. L’alternative n’est plus chômage ou emploi car les situations d’emploi et de chômage se sont beaucoup diversifiées avec l’accumulation de petits contrats, l’auto-entrepreneuriat, les activités informelles… Certes, l’approche de la fin des droits à l’assurance chômage sonne comme un signal qui relance la recherche pour trouver au plus vite du travail, quel qu’il soit. Mais l’effet demeure faible. Il faut surtout travailler sur l'amélioration de l’accompagnement et les moyens d'éviter les périodes de découragement.

Auteur

  • Manuel Jardinaud