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Michelin pousse-t-il ses salariés vers la sortie ?

Liaisons Sociales Magazine | Mobilités | publié le : 02.11.2016 | Eric Béal

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Avec son accord sur la gestion des emplois et des parcours professionnels, le groupe Michelin s’est doté d’un outil pour faciliter les départs en retraite. Digitalisation aidant, les syndicats redoutent une accélération des pertes d’emplois.  

Chez Michelin comme ailleurs, le vieillissement de la pyramide des âges provoque une poussée de départs en retraite. Mille départs sont attendus chaque année d'ici 2019. Et l'évolution de certains métiers, sous le coup de la digitalisation et de la robotisation, engendre un besoin de mobilité interne. Or l’accord de groupe sur la gestion des emplois et des parcours professionnels, signé fin septembre avec la CFE-CGC, la CFDT et Sud,  multiplie les aides au départ en retraite et les mesures pour faciliter et pour encourager la mobilité sous toutes ses formes.

Pas de remplacement poste pour poste

« Nous ne cherchons pas à favoriser les départs, affirme-t-on cependant à la direction. Nous voulons faciliter la reconversion des salariés volontaires, que ce soit en interne ou à l’extérieur de l’entreprise. » Benoît de la Bretèche, le directeur des relations sociales du groupe, affirme dans le numéro de Liaisons Sociales Magazine de novembre qu’un millier d’opérateurs par an seront recrutés entre 2017 et 2019. « Nous nous sommes engagés à ce que les moins de 26 ans comptent pour 30% du total », précise-t-il.

Pour autant, même les organisations syndicales signataires ne sortent pas totalement satisfaites de la négociation. « Nous n’avons aucune assurance de recrutement dans les services où les départs seront très nombreux, indique Jean-Christophe Laourde, délégué CFE-CGC. Dans certains services marketing du site de Clermont-Ferrand, 30% des effectifs peuvent potentiellement partir. Mais rien n’est prévu pour savoir comment on effectue les mêmes tâches sans pousser les salariés au burn-out. »

Inquiétudes sur les services transverses

Autre sujet d’inquiétude pour le représentant des cadres, le manque d’information sur l’avenir. « La direction s’est engagée sur les mesures d’aide à la reconversion professionnelle et à la mobilité fonctionnelle et géographique : formation diplômante, information sur les postes libres, aides financières. Mais personne ne dit ce qui arrivera à ceux qui ne réussissent pas leur formation. Et nous n’avons pas non plus d’assurance sur la progression de carrière ou sur l’évolution salariale de ces débutants dans un nouveau métier », poursuit le syndicaliste.

A ces motifs d’insatisfaction, s’ajoutent des inquiétudes sur les services transverses. « Des démarches de simplification des procédures sont engagées sur les métiers au siège et sur ceux des services centraux. Pour le moment, nous n’avons pas le sentiment que la direction veuille évoluer vite dans ces domaines. Mais elle n’a pas pris d’engagement fort sur les emplois administratifs », admet Laurent Bador, délégué CFDT.

Un suicide à Clermont

De son côté, Jérôme Lorton, délégué syndical Sud, estime que le nombre important de départs à la retraite prévisibles devrait pousser Michelin à réduire encore le nombre d’emplois en France. « Le groupe veut simplifier l’aide à la décision pour obtenir plus de souplesse de gestion. Le projet Efficience, démarré il y a quatre ans, a déjà largement contribué à réduire les emplois ». Mais personne ne sait encore quels seront les métiers et les services touchés.

Seule certitude, la digitalisation des métiers du groupe avance beaucoup plus vite que prévu initialement. Cette évolution pèse déjà sur le nombre d’emplois et sur la qualité de vie au travail. « Un cadre s'est suicidé sur son lieu de travail à Clermont-Ferrand, jeudi 27 octobre. La pression est forte dans certains services. Pourtant, ce monsieur avait 61 ans et pouvait prétendre aux mesures d’aide au départ en retraite », déplore Jean-Michel Gilles, le délégué CGT. Une cellule d'enquête du CHSCT a été diligentée pour comprendre les raison de ce geste fatal. Direction et syndicats ont démarré une négociation sur la Qualité de vie au travail en septembre dernier, avec comme objectif la signature d'un accord fin décembre. Nul doute que ce drame les poussera à se pencher sur la charge de travail des cadres…

Auteur

  • Eric Béal