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Les Vélib’ craignent pour leurs conditions de reprise

Liaisons Sociales Magazine | Mobilités | publié le : 10.05.2017 | Rozenn Le Saint

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Les vélos parisiens en libre service vont changer de gestionnaire le 1er janvier 2018. Les salariés de Cyclocity France, la filiale de JCDecaux qui vient de perdre ce marché, s'inquiètent de leur sort.

JCDecaux a perdu son recours contre le marché attribué à Smoovengo. Le marché des vélos parisiens attribué le 12 avril, échoit bien au consortium dirigé par Smoove, une PME montpelliéraine.

Les trois juges du tribunal administratif de Paris qui ont pris cette décision le 4 mai dernier, ont également précisé que Smoovengo ne devait pas « prévoir expressément (…) la reprise des salariés » employés par Cyclocity France, la filiale de JCDecaux qui tenait le marché depuis 1964.

De quoi inquiéter les petites mains de Vélib' qui craignent pour le maintien de leurs emplois et pour leurs futures conditions de travail.

Dumping social

Le géant de l’affichage JCDecaux ne voulait pas croire à la victoire de la PME familiale montpelliéraine Smoove. La petite entreprise créée en 2008, un an après le lancement du système de vélos en libre service à Paris, est à présent à la tête du consortium franco-espagnol qui a remporté l’appel d’offres du Syndicat Autolib’ Vélib’ Métropole. 

Elle prendra en charge le marché des bicyclettes à la demande de Paris et d'une centaine de communes de l'Ile-de-France, du 1er janvier 2018 au 31 décembre 2032.

Vexé, le pro du mobilier urbain a immédiatement dénoncé le « dumping social » de son concurrent victorieux et a déposé un recours devant le tribunal administratif contre la procédure d’appel d’offres pour ce marché à 600 millions d’euros.

Le leader de l’affichage, qui n’a pas souhaité répondre à nos questions, évoquait « la défense des 315 collaborateurs qui participent au succès sans équivalent de Vélib’ depuis dix ans » dans un communiqué.

Pas de clause de garantie de l’emploi

Un peu gros, aux yeux desdits salariés qui n’ont pas défilé bras dessus bras dessous avec le patron actuel. « Jean-François Decaux a toujours minimisé les accidents du travail et troubles musculo-squelettiques du personnel. Il n’a pas arrêté de pester contre les coûts pour améliorer les outils de travail et il voudrait se faire passer pour le défenseur de la veuve et de l’orphelin à présent ?

Il parasite notre combat », tempête Mohamed Ahmed Dini représentant Solidaires au Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), deuxième syndicat de l’entreprise derrière la CGT et bête noire de la direction (lire le numéro de mai de Liaisons sociales magazine).

Les représentants Solidaires, bien implantés au sein d’Autolib’, se sont rendus compte que la mairie de Paris avait intégré une clause de garantie de maintien de l’emploi en cas de changement d’exploitant dans la procédure d’appel d’offres d'autolib'… Mais elle l’avait omis pour son pendant à deux roues, Vélib’.

Les salariés demandent néanmoins son application à retardement : que le marché soit attribué sous cette condition uniquement. Sans succès. Les quelques grèves perlées de mars et avril n’ont pas suffi. Smoove a officiellement remporté le marché le 12 avril.

250 emplois conservés

En revanche, le déplacement ce jour-là de représentants de la CGT et de Solidaires au siège de Smoove, à Saint-Gély-du-Fesc, à quelques kilomètres au nord de Montpellier (Hérault), semble avoir pesé.

« Nous avons obtenu la garantie que 250 emplois seraient conservés. Seuls les cadres du siège de JCDecaux, qui pourront a priori continuer de travailler pour ses autres services, ne seraient pas repris », relate Laurent Degousée, codélégué de Solidaires Sud commerces et services.

Mais il souhaite à présent que cet engagement oral soit officialisé par écrit et surtout, que les salariés actuels de Cyclocity France, conservent leur contrat de travail et leurs acquis sociaux, dont les primes d’ancienneté. Alors que la direction du consortium évoquait précédemment l'ouverture d'un guichet d’embauches spécifique pour recruter les anciens.

Maintenant que la décision des juges est tombée, les représentants du personnel peuvent commencer à négocier officiellement. « Smoovengo débutera les dialogues de recrutement de ses équipes dans le cadre d'une démarche largement et prioritairement tournée vers les salariés de l'actuel exploitant, en proposant à tous ceux que ce dernier ne voudrait pas garder pour ses activités publicitaires de rejoindre Smoovengo », a simplement indiqué la future direction.

Smoove a déjà remporté des marchés de vélos en libre service dans 26 villes en France et à l’étranger et a séduit Paris avec sa proposition de vélos plus légers, plus solides, dont un tiers seront électriques. « Mais les salariés ont l’impression d’être la derrière roue du carrosse », regrette Laurent Degousée.

Changement de convention collective

Car avec la reprise, ils changeraient aussi de convention collective à partir de 2018. « Ceux qui travaillent le dimanche sont logiquement payé double aujourd’hui et ceux qui exercent la nuit voient leur salaire majoré de 45%. Ca n’est pas prévu par la future convention collective », illustre le représentant de Solidaires.

Sans parler des conditions de travail en elles-mêmes sous le consortium chapeauté par Smoove et composé d’Indigo (ex-Vinci Park), Mobivia (ex-Norauto) et Moventia (entreprise de transport public espagnole).

« Les mécaniciens devraient travailler au fond des parking alors qu’ils exercent à présent dehors ou dans des ateliers, à la lumière du jour », mentionne Laurent Degoussé. C’est tout le travail d’amélioration des conditions de travail établi depuis l’expertise CHSCT de 2013 qui s’envolerait.

Les représentants du personnel et la médecine du travail avaient notamment obtenu la fin de l’utilisation d’un solvant cancérigène. Il servait à effacer les graffitis des petites reines. De quoi nourrir d'âpres négociation dans les mois qui viennent.

Auteur

  • Rozenn Le Saint