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Les pistes du CAE pour garder les seniors au travail

Liaisons Sociales Magazine | Mobilités | publié le : 02.06.2016 | Eric Béal

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Dans sa dernière note, le Conseil d’analyse économique présente ses recommandations pour porter le taux d’emploi des seniors à la hauteur de la moyenne des pays de l’OCDE. Les mesures mises en avant risquent de faire grincer des dents chez les partenaires sociaux.  

De gré ou de force, les seniors français se sont remis au travail. Recul de l’âge légal de départ en retraite, quasi-suppression des préretraites à financement public et fin du dispositif de dispense de recherche d’emploi ont fait remonter le taux d’emploi des seniors ces quinze dernières années. Fin 2015, 48% des 55 – 64 ans avaient un emploi (contre 37,9% en 2008). Mais la situation n’est pas idéale pour autant, puisque le taux d’emploi des seniors hexagonaux est inférieur de 10 points à la moyenne des pays de l’OCDE. Et pour les 60 – 64 ans, la comparaison est encore moins flatteuse puisque l’écart avec la moyenne de l’OCDE est de vingt points. La différence avec la Suède dépasse, elle, les 41 points en 2014.

Partant de ce constat, Pierre Cahuc, Jean-Olivier Hairault et Corinne Prost estiment, dans une note publiée par le Conseil d’analyse économique, que de nouvelles réformes sont indispensables pour assurer l’équilibre financier des comptes sociaux à l’avenir. « Il n’est certes pas souhaitable d’accroître l’emploi des seniors sans limite, écrivent-ils, mais la faiblesse du taux d’emploi au-delà de 60 ans réduit la création de richesses. (…) la sortie des seniors du marché du travail a été organisée en croyant parvenir à un partage du travail entre générations. Mais cette diminution du temps de travail sur l’ensemble de la vie active n’a pas réduit le chômage et elle s’est soldée par une baisse du PIB potentiel. »

Choisir sa retraite

Les auteurs sont convaincus que l’emploi des seniors favorise la création de richesses à partager entre actifs et retraités. A défaut pour que le système de retraite perdure, il faudra opter pour des taux de cotisation plus élevés ou la réduction des pensions. Ils estiment que « le choix d’une vie active plus longue pour un meilleur niveau de vie doit être posé de façon transparente et individualisé pour que chacun soit en mesure de choisir ».

Leur première recommandation est logiquement de « faire mieux connaître les différents dispositifs de retraite « choisie » : décote et surcote, retraite progressive, cumul emploi-retraite ». Logiquement, ils estiment également que ce cumul devrait être générateur de nouveaux droits et permettre d’améliorer la pension de celui qui continue à travailler malgré sa retraite. « Les partenaires sociaux ne veulent pas de retraite choisie pour des raisons idéologiques. Mais en réalité, chaque français peut choisir les modalités de son départ en fonction de ses envies », affirme Jean-Olivier Hairault.

Organiser la transition vers un régime à points

Les auteurs espèrent que les choix individuels permettront d’augmenter le taux d’emploi des 55 – 60 ans, mais insistent pour dire que cette évolution ne sera pas suffisante pour rééquilibrer les régimes de retraite. « Une discussion sur la soutenabilité du système serait nécessaire, affirment-ils. Avec des explications claires et beaucoup de concertation entre partenaires sociaux. » Leur deuxième recommandation est d’harmoniser progressivement les règles définissant l’accumulation des droits par rapport au taux plein. Et d’organiser la concertation pour une réforme, à terme, vers un régime unifié à points ou en comptes notionnels – régime dans lequel les cotisations annuelles de chaque assuré créditent virtuellement leur compte et augmentent leur capital. A la retraite, le capital accumulé est utilisé pour calculer les droits à la retraite.

Former et moins indemniser les seniors

Mais pousser les seniors à travailler plus longtemps ne sert à rien s’ils ne trouvent pas de job. C’est pourquoi les auteurs recommandent de mieux les accompagner vers l’emploi et de les sensibiliser à une nécessaire modération salariale, « conséquence de leur perte de capital humain et non nécessairement d’une discrimination de la part des entreprises ». Avec formation spécifique pour les chômeurs de plus de 50 ans. En échange de ces efforts, « il est souhaitable d’aligner la durée maximale d’indemnisation du chômage des seniors sur la durée normale. Concrètement 24 mois au lieu de 36 pour les seniors actuellement…

En finir avec la préretraite « Unedic »

« Il s’agit d’en finir avec la propension des entreprises à négocier le départ de leurs seniors en cas de PSE, sous prétexte qu’ils bénéficient d’une plus grande durée d’indemnisation. Sans compter qu’un chômeur en cours d’indemnisation à l’âge légal de la retraite peut bénéficier du maintien du versement de ses allocations, tant qu’il n’a pas réuni tous ses trimestres de cotisation. Il peut ainsi attendre tranquillement le moment de toucher sa retraite à taux plein. « On encourage les entreprises à licencier les seniors alors qu'ils ont le plus de mal à retrouver du travail ensuite. C’est illogique. Toutes les statistiques montrent par ailleurs qu'ils sont plus productifs que les autres », justifie Pierre Cahuc.

Instituer un système de bonus-malus

Allant jusqu’au bout de la logique, les auteurs proposent de supprimer l’extension de la période d’indemnisation chômage à partir de l’âge légal jusqu’à l’âge de la retraite à taux plein. Et pour pousser les entreprises à prendre en compte le coût induit par ce type de stratégie, ils défendent l’idée d’un système de bonus-malus, dans lequel les entreprises contribuent pour partie au coût de l’indemnisation chômage de leurs ex-salariés. Ce système s’appliquerait à tous les salariés afin qu’il ne désavantage pas les seniors, comme c’était le cas pour la contribution Delalande.

Pour les auteurs, le sous-emploi des seniors n’est pas une fatalité. « Mobiliser cette force de travail expérimentée est un enjeu essentiel pour la prospérité du pays et la soutenabilité de sa couverture sociale. Les difficultés individuelles comme les problèmes de santé doivent être traités par des dispositifs spécifiques et non remettre en cause les politiques d’incitation à la poursuite des carrières », concluent-ils. Un chiffon rouge pour certains syndicats.

Auteur

  • Eric Béal