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Le « suivi dans l’emploi » des chômeurs longue durée peine à se mettre en place

Liaisons Sociales Magazine | Mobilités | publié le : 01.12.2015 | Anne Fairise

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En théorie expérimental, le nouveau dispositif d'accompagnement dans l'emploi des chômeurs de longue durée débute dans la douleur. Et pourtant, Manuel Valls a déjà annoncé sa pérennisation.

C’est une triste réalité que la ministre du Travail Myriam El Khomri s’est bien gardée de commenter : jamais les rangs des demandeurs d’emploi de longue durée n’ont été aussi fournis. En octobre, 2,4 millions de chômeurs pointaient à Pôle Emploi depuis au moins un an. Soit 44,8% du total des inscrits en catégorie A, B et C ! Un record inédit qui interroge le plan de lutte contre le chômage de longue durée érigé en « priorité » de la politique de l’emploi par François Rebsamen, en février dernier, mais conduit dans un cadre budgétaire très contraint.

Symptomatique, la nouvelle prestation de « suivi dans l’emploi » (PSDE), financé par le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP) à hauteur de 4 millions d’euros, qui se veut un coup de pouce à l’embauche dans les TPE pour les inciter à engager des chômeurs de longue durée ou sortants de contrats aidés, peu qualifiés. Comment ? En leur proposant un accompagnement spécifique pendant trois mois, le temps de la période d’essai, par un conseiller de Pôle Emploi ou par la structure d’insertion par l’activité économique (SIAE) d'origine.

Un seul demandeur suivi

Annoncée pour septembre, l’entrée en vigueur de la nouvelle prestation n'est effective que depuis le 1er novembre. Au 19 novembre, un seul demandeur d’emploi de longue durée était suivi dans son nouvel emploi à Dunkerque (Nord) par une structure d’insertion... La mesure, il est vrai, intervient en plein redéploiement de l’offre de services de Pôle Emploi à destination des entreprises, notamment des TPE ne possédant pas de services RH.

C’est au sein des nouvelles équipes dédiées « entreprises » que doivent prendre place les conseillers, volontaires, chargés du suivi en emploi des chômeurs de longue durée et futurs référents des SIAE sur le dispositif. Or les recrutements internes à Pôle Emploi ne sont pas tous bouclés dans les cinq régions* expérimentatrices, chargées au total d’accompagner 2000 chômeurs de longue durée.

Comme dans le Nord-Pas de Calais. « Sur les douze postes ouverts, dix recrutements ont été effectués », précise Thérèse Salmon, chef de projet à la direction régionale. Qui explique le retard par le nécessaire temps de réorganisation, d’appropriation des outils de gestion spécifiquement créés et de réflexion sur le contenu de la prestation. « Le cahier des charges est large. Les modalités opérationnelles sont laissées à la main des régions ». 

Même souci du côté des SIAE, chargées elles de suivre sur tout le territoire 2000 chômeurs de longue durée. « Il n’existe pas de guide concernant la bonne méthodologie d’accompagnement. On va capitaliser sur les pratiques au sein du réseau », commente Aurélien Ducloux, chargé de mission Emploi à la Fnars (Fédération nationale des associations d’accueil et de réadaptation sociale). « Il y a peu d’élément qualitatif dans le cahier d’accompagnement tripartite. Par contre, les contraintes administratives sont lourdes. C’est dommage pour une prestation qui exige de la souplesse, déplore Bruno Garcia, délégué à la fédération des entreprises d’insertion Ile-de-France, qui a lancé des sessions de formation des chargés d’insertion au dispositif.

Paiement aux résultats 

Le mode de rémunération fait également tiquer. Initialement prévu sur une base forfaitaire, le paiement du suivi en emploi des chômeurs longue durée, financé par le FPSPP, se fera aux résultats. Si le salarié est toujours en emploi à l’issue des trois mois de suivi, la structure l’ayant accompagné recevra 500 euros. Mais elle obtiendra seulement 350 euros si le contrat a été rompu.

Peu gérable pour Pôle Emploi qui dédie 50 postes de conseillers à la mesure et s’est engagé à compenser les redéploiements par autant de CDD. L’organisme public a obtenu que cette minoration éventuelle ne s’applique que dans les régions Paca, Rhône-Alpes et Midi-Pyrénées, pas en Ile-de-France ni en Nord-Pas de Calais qui vont concentrer l’essentiel des suivis en emploi (respectivement 1900 et 1200). Mais il a fallu en passer par des négociations serrées.

Les SIAE n’ont pas eu le choix. « 500 euros pour assurer un suivi en emploi pendant trois mois, c’est une indemnisation symbolique plus qu’une véritable rémunération. Cela couvre à peine deux jours de travail, charges comprises, d’un conseiller en insertion professionnelle », pointe Astrid Levern, responsable des partenariats au Coorace (Coordination des associations d’aide aux chômeurs par l’emploi).

Initialement présentée comme expérimentale, et limitée à 4000 chômeurs jusqu’en juin 2016, la mesure semble déjà promise à un bel avenir. En tous cas, elle a été jugée suffisamment pertinente pour que le Premier ministre Manuel Valls annonce, à la conférence sociale du 19 octobre, sa pérennisation… avant même sa mise en œuvre ! Effet d’annonce ? Couac ? « Le ministère du Travail, en tous cas, n’était pas au courant », confie un connaisseur du dossier.

 

* Ile-de-France (Paris, la Seine Saint-Denis et les hauts de Seine Nord), Midi-Pyrénées (l’agglomération de Toulouse), Nord-Pas de Calais (agglomération de Roubaix, de Tourcoing et d’Arras), Rhône-Alpes (agglomération de Lyon), Provence-Alpes-Côte d’Azur (agglomération de Marseille).

Auteur

  • Anne Fairise