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Le rapport qui esquisse un nouveau contrat social

Liaisons Sociales Magazine | Mobilités | publié le : 07.01.2016 | Anne-Cécile Geoffroy

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Revenu de base, encadrement des plates-formes, droit à la contribution… Le rapport du Conseil national du numérique sur les mutations du monde du travail se veut très ambitieux.

Neuf controverses, six axes de réflexions, 20 recommandations… Le dernier rapport du Conseil national du numérique sur le travail et l’emploi est foisonnant d’idées et audacieux dans ses propositions. « Nous sommes dans une ère d’incertitude. Nous faisons face à deux révolutions, l’une numérique l’autre environnementale. Elles imposent de renouveler nos méthodes de travail, notre protection sociale », argue Benoît Thieulin, l’énergique président du CNNum et patron de l’agence de communication La Netscouade.

Celui-ci espère que les propositions de l’instance nourriront les deux projets de loi en préparation : celui sur le droit du travail de Myriam El Khomri et celui sur les nouvelles opportunités économiques d’Emmanuel Macron. Le CNNum entend en effet secouer le cocotier social. Et alerte sur l’urgence des mesures à prendre pour faire de la révolution numérique une opportunité pour redéfinir un contrat social pour les Français.

Filet de protection d'un nouveau genre

L’instance remet ainsi au goût du jour une vieille idée, née dans le courant des années 70 : le revenu de base. Une allocation de l’ordre de 600 à 800 euros qui pourrait être universelle. Il s'agirait d'un filet de protection d’un nouveau genre, tenant compte de l’avènement de l’économie collaborative, d'un chômage de masse structurel et de l’explosion des travailleurs indépendants, souvent précaires.

« Nous ne sommes plus certains que tout le monde aura un emploi demain. Il faut revoir la façon dont on peut redistribuer les richesses. Le revenu de base est une idée », indique Nathalie Andrieux, DG adjointe du Groupe La Poste, qui a piloté le groupe de travail du CNNum avec Benoît Thieulin. Sans apporter de solution toute faite, le rapport propose de mettre en place une étude de faisabilité de ce revenu par des économistes, des juristes et des sociologues. Et d’accompagner les territoires qui se sont lancés dans des expérimentations comme La Plaine Commune en Seine Saint-Denis.

Droit individuel à la contribution

Autre idée novatrice, la création d’un "droit individuel à la contribution" pour permettre à chacun de s’engager sur le plan associatif, dans des projets d’intérêt général, de recherche ou de création d’entreprise. Autant d’activités non rémunérées que les actifs ont aujourd’hui du mal à valoriser. « Demain les parcours professionnels seront hybrides et pluriactifs, souligne Nathalie Andrieux. Nous devons être en capacité de faciliter cette hybridation, de faciliter ces transitions. Le compte personnel d’activité en préparation est l’outil qui le permettra. »

Le rapport propose ainsi que ces projets menés parallèlement à une activité professionnelle ou à une recherche d’emploi puissent être reconnus comme un temps de formation et comptabilisés dans le futur CPA. Un sujet actuellement dans les mains des partenaires sociaux qui le négocient. Et sur lequel Myriam El Khomeri entend lancer une grande consultation citoyenne le 21 janvier.

Encadrement des plates-formes

Le revenu universel de base n'a aucune chance d’être repris dans le prochain projet de loi de Myriam El Khomri. La ministre du Travail n’a pas caché sa « perplexité » concernant le financement d’une telle mesure. Elle s’est montrée plus ouverte sur les propositions portant sur l’encadrement des plates-formes de l’économie collaborative. Même si elle sait marcher sur des œufs. «L'économie collaborative est porteuse d’emplois. Il faut l’encourager et la sécuriser juridiquement. Sans opposer le développement de cette économie à la protection des travailleurs», expliquait-elle lors de la remise du rapport.

L’aventure Uber pop et les tensions nées entre la profession des taxis et celle des VTC ont rendu plus vigilants les politiques. "Je ne veux pas partir dans des années de contentieux juridiques pour savoir si les travailleurs indépendants doivent être requalifiés en salariés", soulignait-elle. Un autre rapport en préparation, celui du député PS Pascal Terrasse, devrait apporter de nouveaux arguments à la ministre pour avancer sur le sujet.

Le CNNum propose d’appliquer le principe de loyauté aux plates-formes de l’économie collaborative. Et de faire évoluer le droit commun pour prendre en compte les éventuelles relations de dépendance économique et de subordination. En clair, il s’agit de rééquilibrer le rapport de force entre les prestataires non salariés et les plates-formes. En poussant celles-ci à être beaucoup plus transparentes sur les modes de rémunération, les conditions de déréférencement et de surveillance.

Autant de pistes de réflexions qui pourraient nourrir les débats de la prochaine élection présidentielle. C’est en tout cas ce que souhaite Benoît Thieulin. En 2007, c'est lui qui avait orchestré sur le net la campagne de la candidate socialiste, Ségolène Royal.

Auteur

  • Anne-Cécile Geoffroy