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Le nécessaire accompagnement vers l'emploi des femmes victimes de violences

Liaisons Sociales Magazine | Mobilités | publié le : 26.05.2016 | Manuel Jardinaud

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Les violences impactent le parcours professionnel des femmes qui en sont victimes. Associations et acteurs de l'accompagnement commencent à agir pour améliorer leur accès à l'emploi. Les entreprises, elles, sont toujours dans le déni.

Le chiffre fait toujours aussi froid dans le dos : une femme sur 10 se déclare victime de violences conjugales. Un phénomène de société dont le monde du travail ignore souvent les conséquences. Ce que le guide intitulé « Améliorer l’accès à l’emploi des femmes victimes de violences » tente aujourd’hui de corriger.

Le constat est sans appel : les violences à l'encontre des femmes impactent leur situation professionnelle et leur accès à l’emploi. De fait, les victimes souffrent d’un manque de confiance et d’estime d’elles-mêmes, d’une instabilité émotionnelle et matérielle, d’isolement social, d’arrêts précoces d’études pour les plus jeunes. « Autant de freins spécifiques et aggravés pour construire un projet professionnel durable », résume Séverine Lemière, économiste et présidente de l’association « FIT, une femme, un toit ». Elle a codirigé l’ouvrage avec Iman Karzabi, chargée de mission au centre Hubertine Auclert.

Identifier les victimes

Les deux militantes insistent sur le besoin de mettre en place des dispositifs adaptés et ciblés chez les acteurs de l’accompagnement. Avec une première difficulté, celle d’identifier les femmes concernées. « Il convient d’adopter un questionnement systématique sur les violences sans transformer les conseillers en travailleurs sociaux », explique Iman Karzabi. Qui propose notamment d’interroger ces femmes de la façon suivante : « Est-ce que votre vie privée peut gêner votre recherche d’emploi ? ». Libre à elles, ensuite, d’accepter de dévoiler un peu de leur souffrance…

Des expérimentations existent. Pôle emploi devrait prochainement signer une convention avec le Centre national d’information sur les droits des femmes et des familles (CNIDFF) pour créer un groupe de travail afin d’échanger des informations sur le sujet et désigner des agents « ressources » dans les agences. Mais pas de conseiller dédié, regrette la directrice générale du CNIDFF, Annie Guilberteau, comme ce fut autrefois le cas avec l’ANPE.

Parcours dédiés

Certaines missions locales sont aussi impliquées dans ce combat. Celle de Versailles notamment. Un tiers des femmes qu’elle accompagne déclare une problématique de violence ou de maltraitance. Depuis septembre 2014, et la mise en place du projet « Place aux femmes, trouver sa voie, choisir sa place », l’institution s’est organisée pour accompagner au mieux « ces jeunes femmes en panne », selon les mots de Marielle Savina, déléguée départementale aux droits des femmes.

Seize ateliers (théâtre, découverte des métiers, image de soi…) et des journées thématiques (santé, citoyenneté, égalité hommes-femmes) forment un parcours entièrement dédiées aux jeunes femmes en difficulté. « Les résultats sont très encourageants, estime Anne Lefort, coordinatrice du dispositif. A la sortie, 25% d’entre elles sont en stage, en formation ou en emploi. Un an après, la proportion grimpe à 60%. »

Acteurs unis

De fait, des expériences antérieures ont montré leur utilité. Comme au sein de la métropole nantaise, où maisons de l’emploi et missions locales éparpillées sur huit sites ont créé une plateforme commune entièrement dédiée aux femmes victimes de violences.  

Sessions de sensibilisation pour les professionnels (70 personnes formées par an), groupe d’appui pour mettre en place des projets et, bien sûr, accompagnement des femmes par des conseillères dédiées… « Nous faisons en sorte qu’elles prennent conscience de leurs compétences, de leurs forces et de leurs besoins », synthétise Stéphanie Brunet, responsable d’un des sites. D’abord expérimentale dès 2002, puis durablement construite, la plateforme obtient des résultats remarquables avec un taux de 80% d’insertion dans l’emploi ou en formation à l’issue de l’accompagnement.

Entreprises dans le déni

Reste un chantier d’envergure. Celui de l’implication des entreprises. Une minorité s’intéresse au sujet. Comme certaines adhérentes de la Fondation Agir contre l’Exclusion (Face) qui va publier un guide au mois de juin prochain, ou le groupe Kerring qui, via sa fondation d'entreprise, a entrepris de sensibiliser ses salariés. Mais le sujet est loin d'être simple, parce qu'il est tabou. Depuis 2011, seuls 500 responsables RH et managers sur 37 000 collaborateurs ont suivi un module de trois heures de sensibilisation.

« Le travail est un cadre positif, un lieu hors de la violence où les femmes victimes ont une activité valorisante », explique Séverine Lemière. Mais il n’est pas imperméable au monde extérieur. « Ces femmes peuvent être suivies au bureau, attendues à la sortie par leur agresseur, harcelées durant leur journée. Leur situation génère une baisse de productivité, des absences, de l’épuisement », énumère-t-elle. L’économiste estime le coût à 1,3 milliards d’euros par an pour les employeurs en France. Et à 3,6 milliards pour la collectivité. Un coût exorbitant, conséquence de coups toujours trop nombreux.

 

Auteur

  • Manuel Jardinaud