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« Le droit du travail européen évolue clairement dans le sens de la flexisécurité »

Entreprise & Carrières | Mobilités | publié le : 04.02.2016 | Mathieu Noyer

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Sous couvert de la « priorité à la croissance et à l’emploi » impulsée par la Commission européenne, les textes et la jurisprudence tendent à accorder plus de souplesse aux employeurs dans la gestion de leur main-d’œuvre. Cet esprit s’insuffle dans les droits nationaux, comme en atteste la prochaine réforme du Code du travail en France.

Jusqu’à quel point le droit du travail de l’Union européenne est-il protecteur… pour le salarié ?
Il faut d’abord rappeler que le droit du travail européen n’est pas une construction homogène. Il résulte de l’agrégation de plusieurs modèles nationaux. Des fils directeurs s’en dégagent quand même et, ces dernières années, la tendance est assez clairement défavorable à la protection du salarié. Cette protection a sans doute atteint son apogée entre la fin des années 1980 et le début des années 2000, dans le sillage de la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, puis du traité de Maastricht. C’est de cette époque, initiée par la commission Delors, que datent les directives de référence sur la santé-sécurité au travail [numéro 89/391], l’aménagement du temps de travail [93/104, modifiée par la directive 2003/88], ou encore les formes de travail précaires – CDD et temps partiel. Ces textes créent un socle commun relativement élevé de protection.
Mais, depuis, le curseur s’est déplacé : la priorité devient la lutte contre le chômage. Elle caractérise l’ère où Barroso était à la tête de la Commission, de 2004 à 2014. Du coup, il n’y a pratiquement plus de directive “sociale” significative. Celles qui sont adoptées révisent les textes précédents pour y apporter de légères améliorations, comme pour le congé parental ou la directive de 2009 sur les CE européens. Par ailleurs, plusieurs arrêts de la Cour de justice de l’Union ont réinterprété des directives dans un sens qui limite la protection des salariés au nom de la liberté d’entreprendre. Ce fut le cas récemment sur les sujets des contrats de travail en cas de transfert d’entreprise.
Un autre document de la Commission, peu connu, crée une inflexion nette : le programme Refit de fin 2012. Comme le suggère habilement son acronyme anglais, il préconise aux États la simplification, l’allégement du corpus législatif “au service” de la croissance, et il instille l’idée de réévaluer systématiquement la pertinence de chaque texte de loi dans le domaine social comme dans d’autres.
Tout ceci, à mon sens et à celui de beaucoup d’observateurs, exprime une orientation de politique bien déterminée : la flexisécurité, qui recherche d’abord la souplesse accrue pour les entreprises dans la gestion de leur main-d’œuvre. Je situe un tournant à 2006 avec la publication du Livre vert de la Commission : “Moderniser le droit du travail pour relever les défis du XXIesiècle”.
 
En quoi cette inflexion vers la flexisécurité se retrouve-t-elle dans les évolutions récentes du droit français ?

La loi de juin 2013 sur la sécurisation de l’emploi reprend les mêmes termes, les mêmes analyses que les documents de la Commission européenne, avec un peu de réécriture et “d’enrobage”. Le récent CDI intérimaire va dans le même sens. La loi Macron voulait instaurer (...)

Auteur

  • Mathieu Noyer