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Le CDI intérimaire trouve sa place et son public

Liaisons Sociales Magazine | Mobilités | publié le : 18.03.2016 | Anne Fairise

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Quelque 6000 CDI intérimaires ont été signés au 1er février 2016, selon Prism’Emploi, le syndicat des entreprises de travail temporaire. Qui dessine un portrait inattendu des signataires : des jeunes peu qualifiés.  

C’est parti ! Avec une moyenne de 800 nouveaux contrats signés chaque mois, le CDI intérimaire (CDI-I) semble enfin trouver sa vitesse de croisière, après des débuts très poussifs. Au 1er février 2016, près de deux ans après son entrée en vigueur, 6000 CDI-I ont été conclus dans le réseau hexagonal de 7000 agences, selon le bilan rendu public, jeudi 17 mars, par Prism’Emploi, le syndicat de l’intérim et du travail temporaire.

De quoi rendre réaliste l’atteinte de l’objectif de 20 000 contrats en 2017, que la branche s’était fixé en juillet 2013, lorsqu’elle a élaboré ce contrat atypique. Celui-ci comporte en effet des périodes de missions chez une entreprise utilisatrice et des périodes d’«intermission» rémunérées par l’agence d’emploi.

«La montée en puissance date de septembre 2015, juste après que la loi Rebsamen a levé les freins au développement du dispositif", commente François Roux, délégué général de Prism’Emploi. Entre septembre et décembre 2015, 2300 CDI-I ont été conclus, soit une hausse de 540% par rapport à la même période en 2014!

Rien d’une surprise : la loi du 17 août 2015 a libéré le CDI-I des contraintes de l’intérim classique, en l’exemptant du délai de carence initialement prévu et en levant la limitation de la durée totale de la mission à 18 mois (elle est passée à 36 mois). Des revendications de longue date du patronat de l’intérim, auxquelles les syndicats avaient toujours refusé de répondre. Pour ne pas remettre en cause le droit du travail encadrant l’intérim, pour éviter la coexistence de deux réglementations dans le secteur du travail temporaire et, enfin, pour ne pas affaiblir la norme du CDI.

Un public inattendu

La principale surprise de l’étude Prism’Emploi* réside dans le profil des signataires. Ils sont plus jeunes et moins qualifiés que les intérimaires «classiques». Ainsi, 34% des bénéficiaires ont moins de 25 ans (contre 24% des intérimaires) et 51% sont missionnés sur des postes d’ouvriers non qualifiés (contre 37%).

Ces chiffres font mentir les premières remontées de terrain qui révélaient la volonté de certaines agences, pour minimiser les risques, de fidéliser par le CDI-I les intérimaires les plus fiables et les plus appréciés des clients. C’est-à-dire les personnes ayant déjà travaillé sur des périodes longues pour l’agence ou ayant déjà été affectées à des missions durables chez des clients.

Et pour cause ! Elles se sont retrouvées confrontées à de multiples refus. "Une proportion de candidats reste attachée à l’intérim classique", commente Prism’Emploi. Révélateur, 4 intérimaires sur 10 auxquels on a proposé un CDI-I ont refusé le contrat. Premier argument avancé ? L’absence d’indemnités (de fin de mission et de congés payés), qui ampute de 21% la rémunération totale. Deuxième motif, l’impossibilité de choisir ses missions. Enfin, troisième raison, la perte de liberté pour organiser son temps de travail.

«Le dispositif est apprécié par les publics en besoin de sécurisation et d’accompagnement professionnel», juge François Roux. Interrogés sur les raisons de leur candidature à un CDI-I, les intérimaires mettent en avant « la stabilité du statut » puis, en seconde position, « l’accès facilité à un logement ».

"Vraie logistique"

L’étude montre également que la profession a su s’approprier ce dispositif, qui change la manière de recruter et de placer. En atteste la faible durée moyenne des intermissions, trois jours à peine. Deux tiers des CDI-I travaillent même sans période d’intermission (hors période de formation et de congés payés).

«La profession a su déployer une vraie logistique pour favoriser l’emploi des CDI-intérimaires dans le tissu de PME locales», se félicite François Roux. C’est une autre surprise de l’étude Prism’Emploi : 37% des CDI-I sont missionnés dans des PME de moins de 50 salariés et 37% dans les entreprises de taille intermédiaire (moins de 200 salariés). Alors que le profil-type de l’entreprise recourant à l’intérim est celui d’une grande entreprise…

Ce bilan positif tombe à pic pour la profession de l’intérim. Elle intervient en pleine négociation sur l’assurance chômage, alors que la surtaxation des contrats courts revient avec force sur le devant de la scène. C’est en effet grâce à la création du CDI-I que l’intérim a échappé en 2013 à la surcotisation Unedic pour les contrats courts. Montrer qu’elle tient à la fois les objectifs quantitatifs et qualitatifs – la sécurisation des parcours professionnels des jeunes peu qualifiés – ne peut que lui être bénéfique.

Et renforcer l’image qu’elle travaille de longue date d’acteur de l’emploi responsable, porteur d’une «flexibilité acceptable». Le patronat de l’intérim revendique d’ailleurs aujourd’hui l’utilisation du CDI-I pour «répondre aux besoins sociaux nés de l’usage des plateformes d’intermédiation»....

 

*Caractéristiques des CDII en 2015, étude menée par Plus Consultants pour Prism’Emploi, en février 2016, auprès d’un panel d’entreprises de travail temporaires « ayant réalisé au moins 1 CDI-I en 2015 ». Selon les auteurs, l'enquête « couvre au moins 95% des CDI-I signés ». 

Auteur

  • Anne Fairise