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La loi Travail veut faciliter le licenciement économique

Entreprise & Carrières | Mobilités | publié le : 19.02.2016 | Elodie Sarfati

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L’avant-projet de loi de Myriam El Khomri change en profondeur le cadre juridique du licenciement économique. Elle invite notamment les partenaires sociaux à négocier sur l’appréciation des difficultés économiques.  

Myriam El Khomri a transmis la semaine dernière au Conseil d’Etat son avant-projet de loi «visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs». Ce texte dense, de 130 pages, rebat les cartes sur nombre de sujets, notamment le licenciement économique, traité dans l’article 30 bis.

A ce stade de sa rédaction, cet article propose une nouvelle définition du licenciement économique. Il cite 4 motifs, issus de la loi actuelle ou de la jurisprudence : les mutations technologiques, la sauvegarde de la compétitivité, la cessation d’activité, les difficultés économiques. Ces dernières seraient «caractérisées soit par une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires pendant plusieurs trimestres consécutifs en comparaison avec la même période de l’année précédente, soit par des pertes d’exploitation pendant plusieurs mois, soit par une importante dégradation de la trésorerie, soit par tout élément de nature à justifier de ces difficultés».

«Eviter les abus» «On donne ainsi des éléments pour objectiver les difficultés économiques qui jusqu’à présent relevaient du pouvoir d’appréciation du juge», commente Patrick Thiébart, avocat au cabinet Jeantet, qui estime tout de même que la rédaction du texte, si elle devait rester en l’état, pourrait entraîner une jurisprudence «susceptible d’en atténuer les effets : si, après une année exceptionnelle, le chiffre d’affaires baisse mais pour revenir à un niveau normal, ou si la baisse est très faible, il y aura des débats devant le juge sur la réalité du motif économique. Il faudrait parler, par exemple, de baisse significative pour mieux la caractériser et éviter aussi les abus ».

Le texte introduit deux autres nouveautés majeures : la première est de prévoir que les partenaires sociaux pourront négocier le nombre de trimestres nécessaires pour apprécier ces difficultés. Au moins deux, dit la loi, et quatre à défaut d’accord.

Concurrence entre filiales. La seconde est, pour les filiales des multinationales, de réduire le périmètre d’appréciation du motif économique aux entreprises implantées sur le territoire national, et non plus à l’échelle du groupe. Ce que dénoncent fortement les syndicats, la CFDT, par exemple, y voyant la porte ouverte à l’organisation de la concurrence entre les filiales d’un même groupe. «Cela change profondément la donne», abonde Patrick Thiébart qui, s’il se félicite d’une mesure «susceptible de redonner confiance aux investisseurs étrangers», constate que «la philosophie de cet article est de simplifier les règles pour qu’il soit plus aisé de procéder à des licenciements économiques». D’autant que, rappelle-t-il, le projet de loi intègre aussi le plafonnement des indemnités prud’homales en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, qu’il établit à 15 mois de salaire maximum au-delà de 20 ans d’ancienneté du salarié.

Mais le licenciement économique – ou plutôt son absence – est aussi au cœur d’une autre innovation de la loi : la possibilité de conclure un accord d’entreprise « en vue de la préservation ou du développement de l’emploi » s’imposant aux contrats de travail, « y compris en matière de rémunération et de durée du travail ». Seule limite : cet accord « ne peut avoir pour effet de diminuer la rémunération mensuelle du salarié ». Autrement dit, « il peut prévoir une diminution du taux horaire, en augmentant le temps de travail sans augmenter le salaire », décrypte Patrick Thiébart.

«Très sévère». Comme avec les accords de maintien de l’emploi, l’employeur pourra licencier le salarié qui refuse de se voir appliquer l’accord. Mais l’avant projet de loi précise bien que ce licenciement reposera sur une cause réelle et sérieuse et non sur un motif économique. « Cela semble très sévère pour les salariés, poursuit l’avocat, car ceux d’entre eux qui refuseraient par exemple une diminution de leur rémunération horaire ne pourraient ni contester leur licenciement en justice, ni même bénéficier de mesures de reclassement ou du contrat de sécurisation professionnelle ».

L’Ugict-CGT pour sa part, y voit une « institutionnalisation du chantage à l’emploi ». En tout état de cause, cette disposition, comme beaucoup d’autres, devrait faire l’objet d’âpres débats parlementaires.

Auteur

  • Elodie Sarfati