logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Berne ouvre son marché du travail aux réfugiés

Entreprise & Carrières | Mobilités | publié le : 20.12.2016 | Mathieu Noyer

Image

Le gouvernement va lancer un programme de "préapprentissage" sur-mesure pour les réfugiés des pays en guerre qui cherchent à s’installer en Suisse, dans l’esprit de plusieurs initiatives de branche qui ont fait leurs preuves.

Faire de migrants des travailleurs réguliers ? Pourquoi pas, répond la Suisse. Les branches professionnelles du pays ont déjà développé plusieurs initiatives pour l’intégration de ces étrangers au marché du travail domestique. Elles sont désormais relayées par l’État fédéral. Le secrétariat d’État aux migrations vient d’annoncer le lancement, début 2018, d’un "programme pilote de préapprentissage". Il sera dimensionné et budgété à 50 millions d’euros pour bénéficier chaque année à un millier de "réfugiés".

Ce terme désigne des réfugiés reconnus sous ce statut, mais surtout des personnes en situation d’ "admission à titre provisoire". Pour elles, l’issue est connue d’avance : elles n’obtiendront pas l’asile mais ne rentreront pas non plus chez elles. Autant, alors, utiliser ce "provisoir" de plusieurs mois ou années pour leur donner les chances de décrocher un emploi en Suisse, se disent les autorités.

Coach et formation. Leur programme se bâtira selon la séquence suivante : présélection des candidats par les services d’emploi et d’aide sociale des cantons ; accompagnement d’un "coach" mandaté par les cantons pour les démarches administratives et les premiers pas dans la formation ; montage de cursus spécifiques confiés à des organismes professionnels agréés combinant les connaissances techniques de base propres à chaque métier et la pratique de la langue nationale (l’allemand pour l’essentiel) ; in fine, si tout se passe bien, signature d’un contrat d’apprentissage de droit commun, sésame vers une embauche dans le système suisse inspiré du modèle dual allemand.

L’initiative gouvernementale n’est pas sans rappeler les dispositifs de préqualification et de préparation à l’emploi qui, en Suisse, bénéficient à des chômeurs éloignés du marché du travail. Mais elle sera sur-mesure, plus intense et s’inscrira dans la continuité des actions déjà engagées depuis quelques années par les partenaires sociaux.

Celles-ci ont abouti à trouver du travail à 2 185 migrants entre début 2012 et fin 2015, dernier bilan arrêté, principalement dans les secteurs du nettoyage, de l’hôtellerie-restauration et de la construction, à un degré moindre la réparation automobile. Ces branches ont surtout adapté une formation technique et linguistique dite "Riesco" conçue par l’hôtellerie-restauration il y a une dizaine d’années, dans le contexte de l’arrivée de travailleurs d’ex-Europe de l’Est.

Depuis cet automne, le nettoyage lance une formation de trois mois par petits groupes (17 pour le premier, un second suivra en avril), financée par les fonds de la branche, à titre expérimental dans le but de l’inscrire dans sa convention collective en 2018.

11 mois en alternance. Autre exemple, dans la région de Zurich, le centre de formation des entrepreneurs du BTP a lancé la première session de Riesco Construction l’été dernier avec 13 participants. Le processus de 11 mois en alternance vise à « garantir le passage sans rupture à la formation professionnelle initiale d’aide-maçon ou de maçon qualifié, qui durent respectivement deux et trois ans », expose Daniel Martin, directeur du centre.

En comparaison des 36 000 réfugiés et "admis à titre provisoire" actuels du pays, dont 23 000 en âge de travailler, les quantités restent faibles. Mais les acteurs publics et privés veulent rester sélectifs et ne pas donner l’illusion d’une intégration rapide et facile à un public très peu qualifié en général. « Nous développerons un important volet de sensibilisation à la culture suisse du travail qui exige ponctualité, propreté, fiabilité, etc. », ajoute le secrétariat d’État aux migrations.

Vote populaire. Mais la porte se veut ouverte, sans doute aussi pour contrecarrer l’image d’une Suisse qui se fermerait aux étrangers, après son retentissant vote populaire "contre l’immigration de masse" en février 2014. « Nous avons voulu nous impliquer pour donner le signal à ces gens qu’ils ont une chance à saisir et qu’ils peuvent être une chance pour notre marché du travail, appuie Rita Schiavi, membre du comité directeur du syndicat Unia, qui écarte le risque de concurrence avec les salariés suisses. Dans de nombreux secteurs, nous faisons face à une pénurie de main-d’œuvre. Et ces étrangers font le travail que nos résidents ne veulent plus faire. » Dans le nettoyage, 95 % des 80 000 employés viennent de différentes vagues d’immigration.

 

Auteur

  • Mathieu Noyer