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« Après les 30 Piteuses, nous devons aborder les 30 Numériques »

Liaisons Sociales Magazine | Mobilités | publié le : 02.06.2017 | Marie-Madeleine Sève

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L’ex-directeur général adjoint de Pôle emploi décortique l’échec cuisant de trente-cinq ans de politiques de l’emploi dénuées d’audace et qui ont conduit à un chômage de masse. Il donne des pistes pour en sortir…

Vous dressez un constat très sévère sur les politiques de l’emploi menées en France. Quels en sont les fondements ?

Depuis trente-cinq ans, les gouvernements ont actionné les mêmes leviers et le chômage n’a cessé d’augmenter pour atteindre le pic de 3,77 millions de demandeurs d’emploi « à temps plein », la fameuse catégorie A, en mars 2017. Et si on compte tous les inscrits en recherche active, ce sont 6,5 millions de personnes qui n’ont pas de travail.

Je note qu’entre 2001 et 2015, aucune création nette d’emplois n’a été enregistrée. Et pourtant, les dépenses publiques au titre des politiques de l’emploi s’élèvent à 100 milliards par an ! Après 1974, année du choc pétrolier, la classe politique a considéré le chômage comme un phénomène passager, une variable d’ajustement sur le marché de l’emploi, nécessaire à l’économie.

Une fois élus, tous les leaders ont adopté une vue court-termiste du sujet, d’autant plus que le commissariat général du plan, qui donnait une vision prospective, a été supprimé fin 2005. À gauche ou à droite, les orientations ont été les mêmes. Pour moi, on n’a pas tout essayé. Les carences sont majeures en termes de compréhension des enjeux et surtout de volonté dans la durée.

N’y a-t-il pas eu des approches différentes, nuancées selon les majorités au pouvoir ?

Je repère quatre constantes dans les actions menées : le maintien d’une forte allocation chômage et une dispense de recherche d’emploi pour les seniors (55 ans, puis 57, et 57,5…), aujourd’hui supprimée ; le développement des contrats aidés au détriment de l’apprentissage, le paroxysme ayant été atteint avec François Hollande qui a amputé les crédits dédiés à l’embauche des apprentis au profit, notamment, des emplois d’avenir ;

les aides à la création d’emplois directs ou indirects ; la distribution de crédits à la formation, celle-ci n’étant pas toujours diplômantes et ciblée sur des métiers pérennes. Or, cette politique n’a jamais démontré son efficacité, ce qui a fait dire aux observateurs que la France a fait la préférence du chômage. Via les cotisations, les niveaux de rémunération des actifs occupés ont financé le chômage des non-qualifiés. En 1996 déjà, Philippe Séguin parlait de « Munich social ». En optant pour le traitement social du chômage, le pays a soigné la douleur, mais pas le mal.

Vous être particulièrement virulent sur la formation que vous décrivez « atomisée » sur un « marché fictif ».

Oui. On consacre 32 milliards d’euros, soit 1,5 % du PIB, à former 1 million d’alternants et de décrocheurs et 7 millions de salariés des secteurs public et privé, avec 80 000 organismes. L’Allemagne en compte dix fois moins pour un investissement triple de celui de la France. Par ailleurs, seul un demandeur d’emploi sur dix (600 000 par an) en bénéficie et parmi eux la moitié retrouve un job dans les six mois, mais pas forcément durable.

Et puis on le sait, on forme ceux qui en ont le moins besoin. Un ingénieur d’une société du CAC 40 sera formé plusieurs fois, un garçon de café jamais. Avec le foisonnement des stages et des modules de soutien, souvent à faible valeur ajoutée, on a acheté la paix sociale. Le plan d’urgence du président Hollande pour former 500 000 chômeurs sur des emplois aidés, « fictifs », en témoigne.

Dès lors, que pensez-vous d’un plan Marshall de la formation ?

Auteur

  • Marie-Madeleine Sève