logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

La « clairvoyance normative », un savoir-être décisif ?

Recrutement | publié le : 29.03.2023 | Gilmar Sequeira Martins

La « clairvoyance normative », un savoir-être décisif ?

La « clairvoyance normative », un savoir-être décisif ?

Crédit photo Reese/peopleimages.com - Adobe stock

Un rapport d’études récent de la Dares, réalisé par le cabinet Asdo études et l’institut Inetop (Cnam), dresse une évaluation qualitative du programme « Valoriser son image pro ». Incluse dans le cadre du plan d’Investissement dans les compétences et lancée au second semestre 2018, cette prestation était proposée par les conseillers de Pôle emploi aux demandeurs d’emploi et assurée par 80 prestataires sur l’ensemble du territoire. Elle alternait des temps individuels et collectifs sur une durée de quinze jours, autour de trois modules (« les savoir-être professionnels », « dans la peau du recruteur » et « mise en pratique »). Selon les auteurs, il s’agissait d’une « prestation phare » pour les agences de Pôle emploi pour deux motifs : elle permettait de « légitimer les savoir-être comme un objet de travail à part entière », tout en suscitant une forte satisfaction parmi les demandeurs d’emploi et les conseillers.

Parmi les recruteurs, les savoir-être ont une « importance cruciale » tout en ne faisant l’objet d’aucune « conceptualisation rigoureuse » ni « objectivation méthodique ». Absents des CV, ils sont identifiés principalement lors de l’entretien. Les recruteurs cherchent avant tout à apprécier l’implication (la « motivation » ou « l’envie ») et la conformité (« rigueur », « présentation ») d’un candidat, considérées comme des critères d’employabilité. Ils font « une lecture essentiellement intuitive » de ces qualités sur la base d’indices verbaux et comportementaux. Les candidats doivent donc se « mettre en valeur », voire se mettre en scène, pour lever les incertitudes du recruteur. Selon les auteurs de l’étude, le programme « Valoriser son image pro » montre que la réussite de l’entretien dépend « d’une capacité à maîtriser les impressions qui se dégagent d’une posture, d’une façon de se présenter et de se raconter », chacun de ces signes pouvant être interprété comme révélateur de la présence ou de l’absence d’un savoir-être.

Quels bénéfices en ont tiré ceux qui ont suivi cette formation ? D’abord, une forte satisfaction basée sur trois facteurs : un « sentiment de reconnaissance », fondé sur un contexte d’écoute « bienveillant » et « convivial » ; un apprentissage pragmatique, permettant d’appréhender l’épreuve du recrutement ; enfin, une dynamique de « réassurance » attribuée au partage des difficultés qui permet de rompre un sentiment d’isolement courant parmi les demandeurs d’emploi. Cette prestation permet aux demandeurs d’emploi de s’entraîner au recrutement et de distinguer les compétences dites « informelles » des « transférables ». Surtout, elle permet d’acquérir une meilleure « clairvoyance normative », c’est-à-dire la capacité à identifier et adopter des comportements et attitudes « socialement attendus » qui favorisent une évaluation favorable des candidats.

L’étude relève que la majorité des bénéficiaires semble avoir développé cette « clairvoyance normative », ce qui a renforcé leur sentiment d’efficacité lors des entretiens d’embauche. Elle pointe néanmoins une limite, à savoir la confusion entre le registre de « l’utilité sociale », destinée à susciter une évaluation positive fondée sur l’identification de compétences objectivables correspondant aux besoins d‘une organisation, et celui de la « désirabilité sociale », qui renvoie « à des attentes sociales portant sur des attributs sociaux, physiques ou comportementaux ». Sans lien avec un enjeu professionnel, ces attentes sociales sont potentiellement porteuses de discriminations.

 

Auteur

  • Gilmar Sequeira Martins