Marko Vujasinovic, CEO de CleverConnect, détaille les possibilités qu’offre aux recruteurs la combinaison de ChatGPT et de son jobboard. En phase expérimentale jusqu’en juillet auprès d’une dizaine d’entreprises avec un volant de recrutement important, il devrait être généralisé et monétisé à la rentrée.
Quelle est situation actuelle de CleverConnect ?
Marko Vujasinovic : Nous gérons 340 000 offres d’emploi par jour et nous avons 10 millions d’inscrits sur nos plateformes. Globalement, nous représentons un tiers du marché. L’IA représente une grande opportunité, mais elle présente aussi des risques. Nous estimons qu’un bon système est celui combinant l’IA et l’intelligence humaine. L’IA ne doit pas totalement se substituer au recruteur ou au candidat, mais donner des « inputs » aux utilisateurs. Il y a deux axes d’amélioration sur ce que l’IA peut apporter au recrutement, à la fois pour les candidats et pour les recruteurs.
Que va apporter la combinaison de ChaptGPT avec votre jobboard ?
M. V. : Dans un premier temps, nous avons décidé d’apporter des outils aux recruteurs et de nous focaliser sur les offres d’emploi qui constituent une vraie difficulté. C’est une tâche très chronophage et tous les recruteurs ne sont pas formés à ce type de rédaction très spécifique. Cela peut être plus facile lorsqu’il s’agit de postes à pourvoir de façon récurrente, mais dans le cas inverse, ils sont généralement démunis. Le plus souvent, ils disposent d’une description du poste qui est réalisée en interne, rédigée avec un vocabulaire parfois spécifique et peu accessible pour les candidats extérieurs. La taille de l’entreprise joue beaucoup. Une grande entreprise disposera de ressources RH plus importantes. Mais la plupart des entreprises sont des PME. Ce sont alors les opérationnels (hiring manager) qui sont le plus souvent chargés du recrutement et il s'agit d'un process qu'ils ne connaissent pas. Il faut aussi relever que la maîtrise de l’écrit a globalement tendance à se dégrader et que beaucoup de recruteurs s’inspirent des autres offres d’emploi, ce qui auto-entretient la situation. Or, la rédaction d'une offre d'emploi n'est pas quelque chose de facile. On voit d'ailleurs que beaucoup de recruteurs s'inspirent par exemple d'offres existantes qui peuvent présenter les fautes d'orthographe ou des phrases difficiles à comprendre.
En quoi ChaptGPT peut-il les aider ?
M. V. : ChatGPT dispose déjà des données publiques puisque les offres d’emploi sont en accès libre et nous l’alimentons avec les données que nous fournissent les entreprises qui publient des offres sur nos sites. Les recruteurs peuvent rédiger les offres de deux façons. Ils peuvent alimenter le système avec une description de poste élaborée en interne. Dans ce cas, cette offre est combinée à d’autres informations connues sur l’entreprise et adaptée aussi en fonction des éléments déjà consultés par ChatGPT sur Internet. Une nouvelle rédaction est alors proposée au recruteur qui peut ensuite l’amender. A priori, cet usage devrait être le plus fréquent. Une autre façon consiste à fournir simplement l’intitulé du poste, qui sera aussi combiné à des informations sur l’entreprise.
Comment fonctionne le dispositif et quels sont ses avantages ?
M. V. : Les recruteurs disposent d’un formulaire avec un champ de texte libre dans lequel ils peuvent fournir autant d’informations qu’ils le souhaitent sur le poste à pourvoir et leur entreprise. Plus ils donneront d’informations, plus le dispositif sera efficace. En moyenne, ce système permet de réduire de 70 % le temps nécessaire pour rédiger une offre. L’autre critère d’évaluation de l’efficacité du dispositif sera le taux de conversion (pourcentage de personnes qui se portent candidats après avoir lu l’annonce). Aujourd’hui, en moyenne, le taux de conversion est de 11 % sur l’ensemble des offres publiées sur nos sites, avec des écarts qui peuvent varier de 4 % à 20 % selon les typologies de métiers, de secteur et de localisation. Avec les entreprises, l’évaluation se fera principalement en comparant leur taux de conversion historique avec celui atteint par le dispositif utilisant ChatGPT. Nous fournissons ce service à titre expérimental de mai à fin juillet à une dizaine d’entreprises qui font au minimum une centaine de recrutements par an. Nous comptons le généraliser dès la rentrée. Cette phase permettra à nos clients d’apprécier sa valeur ajoutée afin de mieux déterminer sa valorisation ultérieure.
Comptez-vous aussi proposer des services basés sur l’IA aux candidats ?
M. V. : L’utilisation de ChatGPT pour les candidats est encore à l’état de R&D. L'IA pourrait produire une lettre de motivation, mais le risque est qu’elle ne corresponde pas au candidat et ne reflète pas sa personnalité. Il faut donc trouver un moyen d’interagir de façon approfondie avec le candidat pour aboutir à un résultat satisfaisant. Un autre usage possible serait de mobiliser l’IA pour améliorer les CV. Ce type d’usage s’adresse cependant aux candidats, hors du champ professionnel dans lequel se trouvent les recruteurs que nous formons à l’utilisation de nos outils. Former les candidats aux outils ne peut pas être envisagé de la même façon.