Jeff Bezos, le fondateur d'Amazon, se réjouissait, il n'y a pas encore si longtemps, du turn-over particulièrement élevé que connaît le géant du commerce en ligne, avec un taux de... 150 % par an. Ceux qui restent trop longtemps risquent de s'encroûter et d'ouvrir la voie à la médiocrité, disait-il. Mais aujourd'hui, il est inquiet. Non seulement le turn-over est beaucoup plus élevé chez Amazon que dans le reste du secteur du stockage et du transport (49 %) et du commerce de détail (64,6 %), mais en plus, à ce rythme, la société risque d'avoir épuisé le vivier de travailleurs potentiels dès 2024, selon un document interne, qui a filtré dans la presse. Dans sa dernière lettre aux actionnaires, Jeff Bezos s'engage même à "faire mieux" pour ses salariés. Les tentatives de syndicalisation ont sans doute quelque chose à voir avec cette nouvelle "philosophie". Mais c'est l'ancienne qui pénalise Amazon. La réputation de l'entreprise, méritée, si l'on en juge par les multiples procès intentés par les salariés, est celle d'un rouleau compresseur, qui met une énorme pression sur les salariés pour qu'ils en fassent toujours plus, en particulier dans les centres de préparation des commandes, selon des quotas très stricts, dans des conditions d'organisation et de sécurité défectueuses et pour des salaires de misère. Le nombre d'accidents du travail y est également le double de celui des centres de préparation des commandes gérés par d'autres entreprises. Pas étonnant, dans ces conditions, que le géant ait du mal à remplacer tous les salariés qu'il perd, d'autant que le taux de chômage, aux États-Unis, est à son plus bas depuis 50 ans. Et, déjà, selon une première recherche effectuée en interne à la mi-2021, Amazon disait courir le risque d'épuiser la totalité du vivier de travailleurs à Phoenix, en Arizona, avant la fin de cette année-là, tandis que dans l'une des sous-régions de Californie, le même phénomène devrait avoir lieu à la fin de cette année.