Filiale d’Engie spécialisée dans l’efficacité énergétique, la construction des réseaux de chaleur et de froid dans les agglomérations, les bornes électriques, les énergies vertes ou l’approvisionnement énergétique des bâtiments publics et des industries, Engie Solutions (40 000 salariés) est confrontée depuis plusieurs années à un fort besoin de recrutement et de transformation de ses métiers. Comment procède le groupe ? Explications avec son directeur des ressources humaines et de la transformation, Philippe Sarre.
Quels sont vos besoins de recrutement ?
Philippe Sarre : Depuis environ cinq ans, nous tournons autour de 2 000 recrutements chaque année. Une partie pour compenser le turnover naturel dû aux départs de l’entreprise, en retraite ou à la mobilité interne au sein du groupe Engie, une autre de nos alternants. Nous en embauchons environ 400 par an, ce qui correspond à une politique volontariste du groupe qui vise à terme les 10 % d’alternants dans les effectifs. Engie a d’ailleurs développé son propre CFA interne qui accueille près de 200 personnes tous les ans et les forme principalement au BTS de technicien de maintenance énergétique. Nous avons fait le choix d’en faire un établissement « hors les murs », en partenariat avec des lycées, d’autres CFA et des centres de formation afin de ne pas cantonner les recrues dans une seule région. Pour nous, l’apprentissage est un vecteur de recrutement, mais aussi un élément de notre politique RSE. Plusieurs de nos clients, collectivités ou entreprises sont très attachées aux efforts que nous effectuons pour l’insertion des jeunes.
Quelles politiques avez-vous mises en place pour trouver les compétences nécessaires aux besoins du groupe en main-d’œuvre ?
P. S. : Aujourd’hui, le marché des diplômés sortis de formation initiale ne suffit plus. Engie Solutions recherche en permanence de nouveaux candidats, notamment sur nos métiers de techniciens de chauffage, de climatisation ou d’exploitation, d’ingénieurs projets ou de travaux. Pour cela, nous avons énormément diversifié nos viviers de recrutement ces dernières années. En plus de l’alternance, nous recourrons à des opérations de préparation opérationnelle à l’emploi (POE) avec Pôle emploi pour des demandeurs d’emploi souhaitant changer de métier. Au-delà des questions de recrutement, la POE est aussi un outil que nous utilisons pour féminiser nos techniciens qui, actuellement, sont encore des hommes dans 90 % des cas. Nous avons aussi développé des politiques de cooptation (nos salariés deviennent promoteurs de nos métiers auprès de leur entourage et sont récompensés par des primes lorsqu’ils sont à l’origine d’un recrutement), l’utilisation des réseaux sociaux, les afterworks auxquels nous invitons des demandeurs d’emploi ou des personnes qui pourraient être intéressées par une carrière dans le groupe, la désignation de « techniciens ambassadeurs » qui témoignent de leur évolution de carrière et démontrent ainsi que l’on peut réaliser de beaux parcours chez nous.
La fin des aides à l’embauche d’apprentis qui pourrait survenir en 2025 pourrait-elle être de nature à réduire votre recrutement d’alternants ?
P. S. : Non. Nous étions déjà à 6,5 % d’alternants dans nos effectifs avant la mise en œuvre des primes en 2020. Avec les aides, nous sommes montés à 9 %, mais notre corps managérial est convaincu des bienfaits de l’alternance pour nos besoins de recrutement. L’arrêt des aides ne fera pas chuter le nombre de nos alternants, même s’il peut tout de même le faire un peu baisser.
Une nouvelle révision à la baisse des coûts-contrats le pourrait-elle ?
P. S. : Si tel était le cas, la baisse serait modérée. Cela aura sans doute des conséquences sur notre politique de recrutement, mais cela ne signera pas l’arrêt de nos efforts en matière d’alternance.
Quid des lycées professionnels ? Peuvent-ils constituer un vivier de futurs salariés maintenant qu’ils vont s’ouvrir davantage à l’entreprise ?
P. S. : Oui ! Le Bac pro n’est pas le diplôme le plus associé à nos métiers, mais vu nos besoins de recrutement, il va falloir s’intéresser à la filière scolaire professionnelle. Le seul bémol, c’est que nos alternants en Bac pro ou BTS souhaitent parfois poursuivre leurs études après l’obtention de leur diplôme et nous n’avons pas forcément pléthore d’offres pour des niveaux de qualifications plus élevés. Mais d’un autre côté, l’ouverture de nos recrutements aux lycées professionnels peut aussi nous permettre d’accroître la présence de jeunes femmes dans nos effectifs.
Comment Engie Solutions s’adapte au « verdissement » des métiers de l’énergie ?
P. S. : Nous disposons d’une académie interne chargée de l’évolution des compétences. Pour ce faire, nous nous appuyons d’ailleurs sur des « sachants » professionnels qui sont des techniciens dont nous avons fait des formateurs afin de développer de nouvelles ressources de formation sur la transition environnementale, la géothermie ou le photovoltaïque, par exemple. Nous réalisons l’essentiel de nos formations en interne. Les seuls secteurs que nous externalisons sont les formations réglementaires type Caces ou santé-sécurité qui représentent, à elles seules, 50 % de notre plan de formation.
Avez-vous négocié un accord CPF avec les syndicats de salariés pour développer votre plan de développement des compétences ?
P. S. : Non. Ce n’était pas une demande de nos partenaires sociaux, car il n’existe pas de difficultés d’accès à la formation chez Engie Solutions.
La question de l’emploi des seniors a été remise sur le devant de la scène par le Gouvernement qui a exhorté les partenaires sociaux à engager une négociation à ce sujet. Quelles sont les dispositions de votre groupe sur l’emploi des salariés âgés ?
P. S. : Ce sujet vient de s’inviter dans les NAO que nous sommes en train de négocier avec les représentants des salariés. Nous sommes en train d’imaginer des solutions pour adapter le travail des salariés à partir de 57 ou 58 ans. On pourrait déployer du travail à mi-temps associé à la formation de jeunes alternants, réduire leurs astreintes – mais ce n’est pas toujours aisé au sein de petites équipes, à moins de vouloir alourdir la charge de travail de leurs collègues – ou augmenter les cotisations employeurs pour la sécurité sociale et la retraite jusqu’à 80 % pour leur permettre de partir plus tôt en retraite. Malheureusement, que l’on approuve ou pas cette décision, l’âge de la retraite est désormais fixé à 64 ans et il va falloir s’y adapter. L’essentiel, surtout, va être de convaincre les salariés que ce n’est pas parce qu’on atteint 57 ans que la vie professionnelle s’arrête.