logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Les stratégies du CAE contre la chute de la productivité française

Gestion de l'emploi | publié le : 03.10.2022 | Gilmar Sequeira Martins

Performance increase

Alors que la productivité française prend une claque, le Conseil d’analyse économique recommande d’investir dans les compétences mathématiques et socio-cognitives ainsi que  de poursuivre les subventions à l’innovation.

La France championne de la productivité ? Pure illusion, d’après une note du Conseil d’analyse économique (CAE) paru fin septembre. En comparant l’évolution française avec celle des États-Unis et de l’Allemagne, les auteurs établissent un décrochage très net à l’œuvre depuis deux décennies. Ils estiment que ce phénomène, qui touche "la majorité des secteurs et des entreprises" représente une perte potentielle de PIB de l’ordre de 140 milliards d’euros pour 2019, soit un manque à gagner de 65 milliards en recettes fiscales. L’étude souligne par ailleurs que ce constat "remet en cause le diagnostic traditionnel du déclassement économique français selon lequel la productivité resterait forte et le problème principal serait un faible taux d’emploi".

Comment changer la donne ? La note identifie deux facteurs clés : d’un côté une amélioration de l’éducation et de l’acquisition de compétences mathématiques et socio-comportementales ; de l’autre une optimisation des subventions à l’innovation. Sur le premier volet, l’étude note que la baisse des scores des élèves français a conduit à un recul dans le classement. En 2018, l’Hexagone se classait autour de la 20e place sur les 37 pays de l’OCDE. Un classement amené à se dégrader puisque les résultats des élèves les plus jeunes (en CM1) se sont dégradés, faisant passer la France de la 7e à la 17e place sur les 18 pays de l’OCDE qui ont participé à l’étude. Dernier facteur d’inquiétude, le classement des meilleurs élèves a aussi reculé. Selon l’étude, ces résultats "invalident l’idée selon laquelle les meilleurs élèves français ne seraient pas représentatifs des résultats agrégés et se situeraient dans le haut de la distribution mondiale".

S’agissant des compétences socio-comportementales, le bilan n’est pas plus reluisant. Se fondant sur différentes enquêtes et analyses, les auteurs de la note du CAE soulignent que les adultes et les élèves français présentent un "déficit de compétences" par rapport aux États-Unis dans de nombreux domaines : instruction, coordination, perception sociale, négociation, résolution de problèmes complexes, jugement et prise de décision, et gestion des ressources. Une situation qui risque de perdurer. Selon une enquête Pisa (Programme international pour le suivi des acquis des élèves), les élèves français se montrent en effet moins persévérants, coopératifs et efficaces dans la résolution de problèmes que leurs homologues américains, allemands ou de l’Europe du Nord. Sur les subventions à l’innovation, le CAE pointe le Crédit d’impôt recherche (CIR) comme "un dispositif important mais mal ciblé" qui bénéficie "de manière disproportionnée aux grandes entreprises" alors même que les petites et moyennes entreprises sont les plus innovantes et celles où "le rendement du CIR est le plus élevé". La note estime que "l’effet incitatif du CIR est faible pour la dépense de R&D des grands groupes" qui perçoivent pourtant 400 millions d’euros de subventions à un taux de 5 %.

Quelles actions engager ? Dans le domaine éducatif, le CAE propose "de nous doter collectivement d’un objectif de long terme ambitieux et juridiquement contraignant pour les tests nationaux et internationaux". Pour y parvenir, il préconise des "réformes structurantes" inspirées de celles menées avec succès en Allemagne et au Portugal. Sont notamment citées les actions suivantes : mener un travail de diagnostic approfondi, associant les enseignants, sur les causes du déclin éducatif français, améliorer la formation des enseignants, améliorer l’attractivité du métier d’enseignant, renforcer l’autonomie des établissements scolaires, créer une nouvelle instance indépendante de contrôle pour évaluer ou encore soutenir l’amélioration du système éducatif. D’ici 2027, le CAE estime "possible d’améliorer significativement les résultats de tous les élèves, y compris les plus performants" et de "réduire significativement les inégalités entre établissements" avec "davantage de ressources (humaines et budgétaires) aux établissements en difficulté, dans une perspective de rattrapage".

S’agissant des subventions à l’innovation, le CAE propose de supprimer le taux de subvention réduit de 5 % et d’abaisser le plafond d’investissement nécessaire de 100 millions à 20 millions d’euros. Selon les auteurs de la note, cela permettrait d’augmenter l’innovation et, partant, la productivité. Les observations empiriques ont en effet démontré que l’effet du CIR est plus élevé parmi les PME et les TPE que dans les grands groupes.

 

Auteur

  • Gilmar Sequeira Martins