L’Union nationale des missions locales (UNML) tire la sonnette d’alarme sur les trous dans la raquette du Contrat d’engagement jeune (CEJ). Trop rigide et centralisé, le dispositif risquerait d’augmenter les inégalités sociales chez ses bénéficiaires.
Les premiers couacs se feraient-ils déjà entendre dans le dispositif du Contrat d’engagement jeune (CEJ) que le gouvernement Castex a déployé en mars dernier pour succéder à la Garantie Jeunes ? C’est en tout cas l’avis de l’Union nationale des missions locales (UNML), l’association de représentation des employeurs de ces structures de l’accompagnement des jeunes vers l’emploi qui, aux côtés de Pôle emploi, signent ces contrats avec des jeunes de moins de 26 ans sans travail, formation ou diplôme, selon les règles du deal imaginé lors de la mise en place du dispositif, à savoir une allocation mensuelle (pouvant monter jusqu’à 500 euros par mois) en échange d’un engagement du signataire à suivre un programme d’accompagnement renforcé (visites d’entreprises, ateliers de remise à jour des compétences, préparation à un retour en formation…)
Inégalités territoriales
Sur les quelque 110 000 CEJ recensés en juin dernier, 50 000 l’ont été au sein du réseau des missions locales. Et les premières failles dans le dispositif sont apparues. Celle du faible nombre d’acteurs locaux impliqués dans le dispositif qui créée des situations d’inégalités entre les jeunes engagés dans le dispositif selon qu’ils résident dans une zone géographique qui leur permet un large accès aux dispositifs d’emploi et de formation… et les autres. "Les acteurs et porteurs d’action structurante concentrent leurs actions dans les métropoles, pourtant déjà bien dotés, au détriment des territoires peu denses. Ainsi, ces Missions Locales, contrairement à celles implantées dans les métropoles, ne peuvent s’appuyer sur un écosystème d’acteurs suffisant pour parvenir à atteindre les 15 heures d’activités hebdomadaires prévues dans le cadre du CEJ", alerte l’UNML qui appelle à une concertation entre missions locales, services du ministère du Travail et Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) pour imaginer des parcours plus cohérents avec les possibilités offertes par les territoires.
Deux solutions pour y parvenir, avance l’Union. Primo : moduler l’allocation des mineurs "quand leurs projets d’insertion et d’accès à l’autonomie l’exigent". En choisissant de calculer l’intensité de l’accompagnement sur une base mensuelle plutôt qu’hebdomadaires, en premier lieu, pour tenir compte du fait que certains bassins d’emploi ne permettent pas d’assurer les quinze heures exigées d’accompagnement à un jeune, faute de structures suffisantes. Secundo : personnaliser la durée d’accompagnement pour faire de ces quinze heures un objectif à atteindre plutôt qu’une durée fixe pour s’adapter au niveau de désocialisation des personnes accompagnées. "Pour une partie des jeunes accompagnés par les missions locales ayant connu des périodes d’inactivité plus ou moins longues, l’atteinte des quinze heures d’activité en entrée de parcours constitue une réelle difficulté pouvant donner lieu à des refus d’engagement dans le dispositif ou à des abandons précoces", avertit l’UNML.
Aggraver la précarité en empêchant le cumul des dispositifs ?
L’exclusivité du CEJ, non cumulable avec d’autres dispositifs d’insertion comme le Parcours contractualisé d'accompagnement vers l'emploi et l'autonomie (Pacea), la Prime d’activité, les contrats aidés ou certains parcours de formation professionnelle ou d’insertion par l’activité économique (IAE), pose également problème, affirme l’UNML. Car susceptible d’aggraver les situations de précarité des bénéficiaires de ces contrats. Exemple : là où la Garanties Jeunes permettait de cumuler l’allocation mensuelle versée à ce titre avec la prime de précarité, le nouveau contrat ne le permet plus. Avec les conséquences que cette incompatibilité peut entraîner sur les revenus des bénéficiaires parfois à quelques dizaines d’euros près pour passer le mois… "Nous ne doutons pas qu’il s’agisse là d’un impensé de la réforme qui doit être rapidement corrigé en permettant le cumul", indiquent les missions locales. Le débat qui s’ouvre sur l’augmentation du pouvoir d’achat des Français sera peut-être l’occasion de remettre le sujet sur la table ?