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« On a l’impression que le Gouvernement ne veut traiter l’emploi des seniors que sous l’angle de l’indemnisation chômage » (Benoît Serre, ANDRH)

Gestion des carrières | publié le : 29.11.2023 | Benjamin d'Alguerre

« On a l’impression que le Gouvernement ne veut traiter l’emploi des seniors que sous l’angle de l’indemnisation chômage » (Benoît Serre, ANDRH)

« On a l’impression que le Gouvernement ne veut traiter l’emploi des seniors que sous l’angle de l’indemnisation chômage » (Benoît Serre, ANDRH)

Crédit photo DR

Emploi des seniors, usure au travail, transitions professionnelle et compte-épargne temps universel (Cetu) : des sujets à l’agenda des partenaires sociaux… mais aussi des DRH qui réfléchissent aussi sur ces questions. Décryptage avec Benoît Serre, vice-président de l’ANDRH et Partner and Director HR People Strategy au Boston Consulting Group.

Le Gouvernement vient d’inviter les partenaires sociaux à une négociation sur l’emploi des seniors… mais a annoncé en même temps qu’il rejetait leur récent protocole d’accord sur l’assurance-chômage, estimant que le compte des économies pour l’Unédic n’y était pas. Pensez-vous que la négociation part sur de mauvaises bases ?

Benoît Serre : L’emploi des seniors est un sujet sur lequel l’ANDRH se mobilisait déjà en 2018, lorsqu’il n’était pas du tout dans l’actualité. Nous sommes donc plutôt contents de voir les pouvoirs publics s’en saisir aujourd’hui, même s’il est regrettable qu’ils ne l’aient pas fait au moment de la réforme des retraites l’an dernier. Les partenaires sociaux auraient pu gagner six mois pour négocier un accord. Et, justement, dans ce contexte, le récent refus de Matignon d’agréer le protocole d’accord des partenaires sociaux sur l’assurance-chômage et son renvoi à la négociation seniors interroge. En outre, si on l’associe à la volonté déclarée de Bruno Le Maire d’aligner le régime d’indemnisation des seniors sur celui des autres demandeurs d’emploi et la récente remise en question des ruptures conventionnelles individuelles, l’impression générale est que le Gouvernement n’a l’intention de traiter la question des seniors que sous le seul angle de l’indemnisation du chômage. Cela reviendrait à mener une politique de sanctions sur les seniors, alors que la France reste le mauvais élève de l’Europe en matière d’embauche des plus de 55 ans ! Si les RC posent problème aux finances publiques, alors il faut demander aux partenaires sociaux de s’asseoir autour de la table pour réviser leur fonctionnement. Et plutôt que de vouloir sanctionner les seniors, il faudrait favoriser leurs conditions d’embauche en mettant en place des mesures appropriées, comme des abondements automatiques au CPF après 45 ans pour leur permettre de se former à d’autres métiers, ou des dispositifs de reconnaissance de la pénibilité. Il doit y avoir un plan seniors comme il y a eu un plan « un jeune, une solution ».

Lors des débats sur la réforme des retraites, le Gouvernement avait envisagé de transformer le compte professionnel de prévention en outil de reconversion pour les deuxièmes parties de carrières. Pensez-vous que ce soit pertinent ?

B. S. : Pourquoi pas, mais aujourd’hui, cette mesure ne figure plus nulle part et on n’entend pas le Gouvernement dessus. Mais on se demande s’il acceptera ce genre de chose vu son cadrage budgétaire. Il existe un risque que l’exécutif ne regarde les choses que sous l’angle économique, ce qui reviendrait à négliger la question des difficultés d’embauche des seniors. Or, elle est cruciale. Aujourd’hui, retrouver un emploi à 57 ou 58 ans, c’est le parcours du combattant. À l’ANDRH, on avait regardé d’un bon œil le « CDI senior » que le Sénat avait intégré à son projet de réforme des retraites, mais que le Conseil constitutionnel avait retoqué parce qu’il s’agissait d’un cavalier législatif. Les partenaires sociaux vont-ils le reprendre pour le retravailler ? Ce serait une bonne chose.

Quid de l’index senior – lui aussi retoqué par le Conseil constitutionnel – que proposait aussi le Gouvernement sur le modèle de celui existant déjà sur l’égalité professionnelle ?

B. S. : L’ANDRH préconisait la création d’un tel outil dès 2019, puisque nous avions pu constater que celui mis en place pour l’égalité hommes-femmes donnait de bons résultats. La seule chose que nous demandions, c’est que ce soit un index « positif », qui encourage les entreprises à se montrer proactives en matière d’emploi des seniors. Pas un outil punitif et hyperadministratif.

L’usure au travail et les transitions professionnelles sont aussi à l’agenda des négociations. L’ANDRH a-t-elle des propositions en ce sens ?

B. S. : Ce sont des sujets sur lesquels nous réfléchissons sous l’angle de l’aménagement du temps de travail et de la pénibilité du travail à partir d’un certain âge. Le problème, c’est que les dispositifs seniors ont tendance à coûter cher et, actuellement, seules les grandes entreprises ont les moyens de développer de telles politiques. Tout l’enjeu de la négociation à venir sera d’imaginer comment les démocratiser vers les plus petites. On pourrait imaginer la mise en place, au niveau interprofessionnel, d’allégements de charges et d’incitations fiscales, mais les solutions concrètes doivent, je pense, être laissées à la négociation d’entreprise ou de branche. Imaginer du sur-mesure serait à mon avis plus efficace que des solutions globalisantes qui pourraient manquer leur cible.

Si le compte épargne-temps universel venait à voir le jour, il appartiendrait aux DRH de le mettre en musique dans les entreprises. Comment l’envisagez-vous ?

B. S. : Malheureusement, l’expérience montre que ce genre d’initiative vire souvent à l’usine à gaz. On se souvient du compte pénibilité qui exigeait des calculs savants pour transformer en données chiffrées l’usure associée à un certain nombre de tâches professionnelles. Toutefois, l’intention est bonne et l’ANDRH est plutôt favorable au Cetu si, cependant, il demeure un dispositif d’aménagement du temps de travail lisible et respectueux de la liberté des salariés et des entreprises. Il pourrait permettre d’aménager les fins de carrière, voire de partir plus tôt à la retraite pour un salarié qui aurait exercé un emploi particulièrement usant. En revanche, la question que se pose le Gouvernement est celle de la monétisation du temps de travail. C’est faisable, mais compliqué. Car il ne faut pas oublier qu’un CET apparaît dans les bilans comptables de l’entreprise. Cela complexifie la transférabilité de cet outil, même si l’intention de base est louable. Il faudra faire attention à son application à certaines catégories, comme les intérimaires, car il pourrait se traduire par des lourdeurs de gestion assez importantes.

 

Auteur

  • Benjamin d'Alguerre