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Emploi des seniors : la CPME partisane de « renverser la table »

Gestion des carrières | publié le : 04.12.2023 | Benjamin d'Alguerre

Éric Chevée, vice-président en charge des affaires sociales de la CPME.

Éric Chevée, vice-président en charge des affaires sociales de la CPME.

Crédit photo DR

Pour la Confédération des petites et moyennes entreprises, l’embauche et le maintien dans l’emploi des seniors dépendent d’une révision des règles de l’assurance-chômage qui verrait l’indemnisation plus généreuse, mais réduite dans le temps, et par le développement d’un dispositif de type « CDI senior » avec une baisse progressive des cotisations employeur pour les salariés âgés. Explications avec Éric Chevée, vice-président en charge des affaires sociales de la CPME.

Quelles propositions votre confédération portera-t-elle lors de la négociation sur l’emploi des seniors ?

Éric Chevée : Tout d’abord, un constat : le marché du travail français a fonctionné à l’envers pendant quarante ans. On s’est bêtement convaincu que pour faire venir et rester les jeunes dans les entreprises, il fallait faire sortir les seniors. Ce modèle n’a plus de sens aujourd’hui. Pour fonctionner, notre économie aura besoin de main-d’œuvre et de cerveaux bien au-delà de ce que la démographie nous permettra d’intégrer sur le marché du travail ces prochaines années. C’est pourquoi il faut conserver les seniors dans l’entreprise. Évidemment, le décalage de deux ans de l’âge de départ à la retraite va mathématiquement faire augmenter le taux d’emploi des seniors. Mais cela ne suffira pas. C’est pour ça que nous proposons de renverser la table et d’inverser la logique actuelle en incitant les entreprises à conserver leurs salariés âgés. Il faut inverser les règles de l’assurance-chômage en mettant en place un nouveau système qui paie mieux… mais moins longtemps. En clair : la CPME défend une augmentation des allocations durant les premiers mois de chômage pour les aligner à hauteur du dernier salaire, mais en réduisant la durée d’indemnisation. Nous sommes partisans, par exemple, de faire passer de 55 à 53 ans l’âge à partir duquel la durée d’indemnisation est réduite à dix-huit mois.

Le Medef propose, pour sa part, d’en finir avec les « retraites Unédic », ce dispositif permettant de faire partir un salarié de 59 ans en lui permettant de continuer à toucher son indemnisation chômage jusqu’à l’âge de la retraite. Partagez-vous cet objectif ?

E. C. : Oui. Et ici, je ne veux pas accuser tel type d’entreprise plutôt qu’un autre. TPE, PME comme grands groupes y ont recours quand cela les arrange. Sans compter que dans certaines structures, les « PSE de confort », qui permettent aux seniors de partir dans des conditions avantageuses aux frais de l’assurance-chômage, sont parfois réclamés par les organisations syndicales elles-mêmes. Tout le monde y trouvait son compte, mais cela doit cesser.

Cette ambition nécessite de repenser les secondes parties de carrière et la gestion de la pénibilité de l’emploi. Que propose la CPME en matière de transitions professionnelles et de prévention de l’usure au travail ?

E. C. : Tout doit être mis en œuvre pour permettre au plus grand nombre de salariés de pouvoir poursuivre leur activité professionnelle jusqu’à 64 ans. Pour cela, il faut ponctuer la vie professionnelle de deux rendez-vous. D’abord, la visite médicale de mi-carrière à 45 ans, qui doit être l’occasion de faire le bilan de l’état de santé du salarié et, au besoin, la compléter par une action de transition professionnelle pour lui permettre de changer de métier si son état l’exige. Ensuite, il faut remettre à l’ordre du jour la visite médicale de fin de carrière, que le Sénat avait intégré à la réforme des retraites avant que cette disposition ne se retrouve censurée par le Conseil constitutionnel. Pour la CPME, cette deuxième visite médicale pourrait avoir lieu à 61 ans et déclencher, toujours au besoin, une série d’aménagements du temps et des conditions de travail pour conduire le salarié qui le peut jusqu’à l’âge légal du départ en retraite.

L’index senior, imaginé par l’exécutif sur le modèle de celui mis en place en 2019 pour l’égalité hommes-femmes, peut-il constituer un outil de promotion de l’embauche et du maintien dans l’emploi des seniors ?

E. C. : Pas selon nous. C’est un gadget impossible à déployer dans les petites entreprises. On ne peut pas gérer les RH d’une PME avec des quotas. D’autant que ces index sont surtout le prétexte pour rajouter des taxes aux entreprises.

Le CDI senior pourrait-il lui aussi faire son retour dans la négociation ?

E. C. : À l’époque, c’est la CPME qui l’avait propos, mais je ne suis pas certain que le Medef soit très enthousiaste. Pour l’imaginer, nous sommes partis du constat que les fins de carrières ont un coût plus important pour l’entreprise et que c’est précisément la raison qui pousse les employeurs à se séparer de leurs salariés après 59 ans. Selon nous, une réduction progressive des charges sur les salariés âgés serait de nature à dissuader les entreprises de s’en débarrasser.

Le compte épargne-temps universel (Cetu) fait-il partie des dispositifs que votre organisation pourrait soutenir ?

E. C. : Non. Toute absence dans une PME est préjudiciable au fonctionnement de l’entreprise. Mettre en place un outil comme le Cetu revient à disloquer le collectif de travail. Ce n’est pas un outil adapté aux petites boîtes et nous serons fermes là-dessus. D’autant que la question de savoir qui paiera en bout de course est capitale. Pour nous, il n’est pas question qu’il coûte quoi que ce soit aux entreprises.

Auteur

  • Benjamin d'Alguerre