logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

« Un ticket modérateur à 20 ou 30%, c’est la fin du CPF »

Formation | publié le : 08.11.2022 | Benjamin d'Alguerre

« Un ticket modérateur à 20 ou 30 %, c’est la fin du CPF »

« Un ticket modérateur à 20 ou 30 %, c’est la fin du CPF »

Crédit photo maurice norbert - Adobe Stock

L’exécutif entend réguler l’usage du CPF pour soulager les finances de France Compétences. L’idée d’un reste à charge à la main de l’usager fait son chemin, mais les taux annoncés ont de quoi faire paniquer les professionnels de la formation.

Coup de sonde ou coup de poker? L’annonce, le 7 novembre, chez nos confrères des Echos, de l’intention du Gouvernement de mettre en place un « ticket modérateur » qui reviendrait à faire prendre en charge par l’usager une fraction de la facture d’une formation financée par le CPF, pouvant monter jusqu’à 20 ou 30% de la somme totale, a semé un vent de panique chez les professionnels de la formation. « En lisant cela, j’en suis tombé de ma chaise », lance Arnaud Portanelli, cofondateur et dirigeant de l’organisme d’apprentissage des langues étrangères Lingueo. « Si le Gouvernement s'en tient à cette idée de ticket modérateur de 20 à 30% sur les achats de formation CPF sans tenir compte des publics acheteurs et des formations visées, c’est la fin du compte personnel de formation, ni plus ni moins. »

De fait, le Gouvernement entend bien contraindre les usagers à mettre en partie la main à la poche lors de leurs achats de formation CPF. Un amendement gouvernemental à l’article 47 du projet de loi de finances 2023 passé par le 49-3 en première lecture en début de semaine prévoit bien que « la mobilisation du compte personnel de formation par son titulaire pour le financement d’une action de formation fait l’objet d’un mécanisme de régulation dont les modalités sont définies par décret en Conseil d’État ». Fini l’accès à la formation open bar donc. Une manière de soulager, en partie, la dette de l’opérateur France Compétences, chargé de la collecte et de la redistribution des ressources de la formation et de l’apprentissage, qui, à force de financer achats de formation par le biais du CPF et coûts-contrats de l’apprentissage « à enveloppes ouvertes », se retrouvera en fin d’année avec un trou dans la caisse de 7 milliards d’euros, comblé en partie par une récente recapitalisation d’État de 2 milliards inscrite dans le projet de loi de finances 2023.

« 20 à 30%, c’est de la folie »

Toutefois, l’article ne précise rien à propos du montant du reste à charge auquel seraient soumis les utilisateurs de leur compte formation. Et dans le monde de la formation, on s’interroge sur les intentions de l’exécutif. Car si les Acteurs de la compétences – ancienne Fédération de la formation professionnelle, qui regroupe les plus grands organismes de l’écosystème – militaient bien pour la mise en place d’un tel ticket, les discussions entre l’organisation patronale et le Gouvernement ne dépassaient pas une fraction de la somme égale à moins de 10% de celle-ci. « 20 à 30%, c’est de la folie », calcule Arnaud Portanelli, « si on prend en compte un panier d’achat CPF moyen de 1 345 euros tel que recensé par la Caisse des Dépôts, le reste à charge pour l’acheteur sera de 269 euros pour un ticket modérateur à 20% et de 403 euros pour 30% ». « La Première ministre, on peut discuter avec elle, on est parfois entendus. Pas toujours. On a été écoutés, par exemple, sur le ticket modérateur qu’ils voulaient instaurer sur le CPF. On leur a dit de ne pas le faire », regrettait Laurent Berger, de la CFDT, au micro de Radio Classique le 8 novembre.

Coup de bluff?

Chez les professionnels de la formation, on n’exclut pas cependant un coup de bluff de l’exécutif – même si Carole Grandjean a précisé à nos confrères de l’AFP ne jamais avoir évoqué de chiffrages du reste à charge – pour tester l’opinion. « Le CPF monétisé de 2018 a créé une illusion de gratuité dans le public. Ce n’est pas le cas puisque ce droit est financé par les cotisations des entreprises et, du coup, certains acheteurs de formation ne vont pas jusqu’au bout de leur parcours. Mais ce serait un message terrible de la part de l’exécutif d’envoyer aux gens un message disant qu'on les prive de leurs droits, alors qu’avec un reste à charge très modique de 50 euros, par exemple, on réduit de 20% le nombre de dossiers CPF », explique le patron de Lingueo. La période, en tous cas, est au durcissement des règles concernant le CPF. Depuis quelques semaines, tout achat sur la plateforme MonCompteFormation exige une connexion sécurisée par FranceConnect+. En parallèle, la loi visant à faire interdire le démarchage commercial pour des prestations éligibles au compte personnel de formation se trouve en discussion au Sénat.

 

 

Auteur

  • Benjamin d'Alguerre