Le premier baromètre de la transformation digitale des organismes de formation coconçu par le FFFOD et le cabinet Elezia Conseil a été dévoilé le 18 janvier. Il révèle que si le marché a bien pris le virage du numérique et du distanciel, de nombreux écueils viennent encore ralentir le changement.
Le virage digital du marché français de la formation est bien engagé. Sous la pression conjuguée du plan d’investissement dans les compétences (PIC) qui encourageait la transformation numérique des formations, des confinements qui ont contraint les établissements d’enseignement à se convertir massivement au digital learning puis de la généralisation du télétravail, organismes de formation (OF) et centres de formation d’apprentis (CFA) ont dû accélérer leur mutation vers le distanciel. Résultat : le pli du numérique a bien été pris par les professionnels de la formation… même si des disparités – parfois importantes – subsistent en fonction des structures.
C’est ce que révèle le premier baromètre de la transformation digitale réalisé conjointement par le Forum des acteurs de la formation digitale (FFFOD), un think tank regroupant près de 200 acteurs de l’innovation pédagogique numérique, associé au cabinet de conseil en stratégie et management Elezia Conseil1.
81 % des organismes engagés dans la transformation
Cette première enquête vise à nourrir les professionnels du secteur en données chiffrées sur l’état de la mutation numérique des acteurs de la formation, car, pour l’instant, la ressource est encore rare. Pour la réaliser, le FFFOD et Elezia Conseil se sont basés sur les réponses de 476 OF et CFA, publics comme privés. Fin 2023, 81 % d’entre eux étaient entrés dans une démarche de digitalisation ou d’hybridation de leur offre. Dans le détail, 45 % se disaient « en cours de transformation » et 36 % affirmaient avoir mené le processus jusqu’à son terme. Face à cela, 12 % avouaient ne se situer qu’à l’étape du démarrage ou du recueil des besoins et 6 % n’envisageaient tout simplement aucune évolution.
En observant de plus près, toutefois, plusieurs hiatus apparaissent. En premier lieu, un différentiel d’évolution selon la taille des structures. Ainsi, les plus avancés dans leur processus d’évolution numérique sont – paradoxalement ! – les plus petites (moins de 10 salariés)… et les plus grandes (plus de 100 collaborateurs). 48 % des premières et 41 % des secondes estimaient avoir achevé leur transformation digitale, contre seulement 19 % des organismes de taille intermédiaire. « Les plus petites ont l’agilité pour se transformer, les plus grosses disposent des moyens et des capacités pour déployer une stratégie de digitalisation », explique Elyse Castaing, dirigeante d’Elezia Conseil.
Conversion du distanciel au présentiel
Autre limite observée : la « transformation » digitale relève plus souvent d’une réingénierie de l’offre présentielle existante vers du distanciel ou du mode hybride (mêlant les deux modalités pédagogiques) que de la création de nouveaux contenus numériques ad hoc. Ainsi, si 79 % des répondants proposent désormais au moins une offre hybride dans leur catalogue, il s’agit pour 59 % d’entre eux d’une révision numérique de contenus préexistants. Seuls 41 % ont fait le choix de plancher sur la création d’une offre totalement nouvelle.
Plus original : pour 11 % des sondés, cette démarche d’hybridation s’est traduite… par l'ajout de davantage de présentiel dans un contenu jusqu’alors totalement distanciel ! D’ailleurs, cette mécanique d’hybridation est, pour l’instant, surtout portée par les petites boîtes. Un tiers d’entre elles disposent aujourd’hui d’un catalogue contenant 50 % de formations mêlant les deux modes pédagogiques. Mais les plus grandes devraient rapidement se mettre au diapason, pense Elyse Castaing : « C’est une situation qui va être amenée à évoluer au fur et à mesure de la croissance de la maturité du marché. »
Trois freins à lever
La maturité, c’est précisément ce qui fait encore défaut au marché de la formation dans sa transformation digitale. Si le volontarisme des acteurs est bien au rendez-vous, l’enquête du FFFOD et d’Elizia dévoile trois écueils qui empêchent encore les organismes de formation et CFA d’accomplir pleinement leur mutation.
Primo : un retard pris dans la mise en place de plans de conduite du changement. 51 % des répondants indiquent ainsi n’avoir rien prévu en la matière. Sur ce domaine, cependant, le secteur public se montre plus vertueux que le privé, puisque 57 % des prestataires ont, eux, déployé des stratégies de conduite du changement.
Deuxio : l’insuffisance des outils nécessaires à une meilleure individualisation de l’offre de formation. Manquent notamment – et de l’aveu même des sondés – les technologies permettant d’animer les formations ou de les rendre plus interactives, ainsi que celles autorisant la certification en ligne. Les besoins concernant la création de supports, le tutorat ou la promotion des offres en ligne sont également exprimés, mais sont jugés moins criants.
Enfin, tertio : l’inadaptation des compétences internes aux organismes au process de digitalisation. Sur ce point, un fort enjeu de professionnalisation, d’accompagnement et de recrutement se fait sentir.
(1) Baromètre de la transformation digitale de la formation, 1re édition, 18 janvier 2024.