En rémunérant les lycéens professionnels en stage, l’exécutif va-t-il créer une forme de concurrence avec l’apprentissage au risque de bousculer la montée en puissance de ce dernier?
En annonçant un grand chantier de réforme des lycées professionnels, Emmanuel Macron a-t-il sifflé l’heure du rééquilibrage entre enseignement professionnel et alternance? En 2018, la réforme de l’apprentissage mise en place par Muriel Pénicaud avait fortement pénalisé ces établissements placés sous la tutelle de l’Éducation nationale. Directement concurrencés par des centres de formation d’apprentis désormais mieux financés et pilotés par les branches professionnelles qui leur assuraient un lien direct avec les tissus économiques locaux, les lycées pro se sont vus relégués en deuxième division. Conséquence : alors que les effectifs d’apprentis crèvent le plafond (964 000 en 2023), ceux des filières professionnelles (643 000) diminuent de façon constante.
Avec ses annonces du 4 mai, l’exécutif a donné corps à la promesse de campagne du candidat Macron visant à faire de l’enseignement professionnel une « filière d’excellence ». Grâce à deux mesures-phares déployées dès septembre 2023 : primo, une réécriture de la carte des formations visant à mieux faire coller l’offre pédagogique des besoins des entreprises locales en éliminant les cursus sans débouchés ; secundo, une gratification financière pour les lycéens en stage en fonction de leur niveau d’étude. De 50 euros par semaine pour un jeune de seconde ou en première année de CAP à 100 euros hebdomadaires pour un terminale ou un troisième année de CAP. Une rémunération entièrement prise en charge par l’État qui vient de débloquer à cet effet une enveloppe d’un milliard d’euros.
La réforme annoncée ne risque-t-elle pas cependant de nourrir la confusion, voire la concurrence entre les filières de formation ? « On peut s’inquiéter du recul de la différenciation entre voie professionnelle et apprentissage », confesse Laurent Munerot, vice-président de l’U2P. Mais dans les principaux réseaux de l’alternance, l’heure n’est pas à la panique. D’autant que certaines mesures qui figuraient dans l’ébauche du projet de réforme voici quelques mois – comme une égalisation à 50/50 du temps passé en entreprise et en classe pour les lycéens professionnels – ont sauté devant la levée de boucliers des syndicats enseignants. « Il existera peut-être un peu de porosité au niveau des BTS, mais il ne faut pas jouer à se faire peur », tempère Yves Hinnekint, président de Walt, le premier réseau français d’acteurs de l’alternance, tandis que Pascal Picault, son homologue de la Fnadir1, perçoit dans la réforme une fenêtre de tir « pour faciliter l’hybridation des parcours entre enseignement pro et apprentissage ». À suivre, donc.
(1) Fédération nationale des directeurs de centres de formation d’apprentis.