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Bisbilles à l’Afpa autour de la vente du centre de Cannes

Formation | publié le : 16.06.2023 | Benjamin d'Alguerre

Centre Afpa de Cannes

Centre Afpa de Cannes.

Crédit photo DR

La vente du centre cannois de l’Afpa au groupe de formation privé Vatel suscite des remous au sein de l’Agence pour la formation des adultes. Les représentants des salariés soupçonnent qu’une intervention directe de Bercy auprès du conseil d’administration de l’Afpa ait pu accélérer la cession dans un sens favorable à l’acquéreur.

C’est un centre Afpa idéalement situé à Cannes. Proche de l’aéroport international de Cannes-Mandelieu, il n’est qu’à quelques minutes à pied de la gare. Et plus près encore de la plage de la Bocca. Quelques centaines de mètres à peine. Vide de toute activité depuis quelques années, il fait partie de ces centres de formation que l’Agence nationale pour la formation des adultes a choisi de fermer à l’issue du PSE de 2019-2020, faute d’activité, et malgré les 85 % de réussite aux examens des titres professionnels affichés avant la fermeture. Aujourd’hui vide, il n’accueille plus que des squatteurs occasionnels.

Mais le squat n’en a pas moins du potentiel. Avec ses 9 151 mètres carrés de surface (dont 3 943 de superficie bâtie), l’établissement attire les convoitises. Celle du groupe Vatel, en l’occurrence. Un réseau international de plus de cinquante écoles hôtelières qui forme la crème des managers de grands établissements en France comme à l’étranger. Et pour qui le terrain laissé vide par l’Afpa représente une zone d’implantation privilégiée pour l’implantation d’un futur centre de formation.

Clause d'intéressement 

Pour l’Afpa, dont le contrat d’objectifs et de performances prévoit la cession de 20 % des biens immobiliers, l’affaire n’est pas mauvaise. La vente du terrain à Vatel – par l’intermédiaire de l’EPF PACA, l’établissement public foncier cannois – pourrait représenter un gain d’environ 5 millions d’euros. Cerise sur le gâteau, le premier projet de délibération de l’Afpa prévoyait d’adjoindre deux clauses au contrat de vente : la première établissant bonus en faveur du vendeur pour tout mètre carré supplémentaire construit hors cadrage du projet initial, la seconde fixant un intéressement à hauteur de 50 % en cas de revente sur une période de vingt ans dans une zone en forte tension foncière. Et dans une ville comme Cannes où le foncier suit plutôt des tendances haussières, cette deuxième clause représentait une plus-value non négligeable pour l’Afpa, dont la trésorerie accuse un déficit chronique depuis de nombreuses années… et qui a toutes les chances de se poursuivre en 2023.

Problème, la facture finale représentait un trop lourd investissement pour Vatel et pour David Lisnard, maire de Cannes, en charge du pilotage de l’établissement public foncier intermédiaire. Lequel, le 7 février dernier, a pris la plume pour demander, dans un courrier qu’Info Social RH a pu consulter, à Gabriel Attal, ministre délégué chargé des Comptes publics – et donc cotutelle de l’Afpa par l'intermédiaire de Bercy – de réviser les clauses à la baisse pour permettre la vente. Hasard calendaire ou conséquence directe – ni les services de Gabriel Attal, ni la direction de l’Afpa n’ont répondu à nos sollicitations – la présidence de l’Agence convoquait, les 6 et 7 mars un conseil d’administration exceptionnel visant à faire sauter la clause d’intéressement. Et ce, affirme André Thomas, président de la CFE-CGC de l’Afpa, le premier syndicat représentatif au sein de l’opérateur, sans que les administrateurs salariés (CGT et CFE-CGC) n’aient alors été informés de l’existence du courrier de David Lisnard à Gabriel Attal.

Soupçons

Si l’Afpa n’a pas tout perdu en abandonnant la clause d’intéressement – en contrepartie, le prix du mètre carré a été revu à la hausse de 326 à 412 euros, comme l’indique la délibération que nous avons également pu consulter – la façon de procéder agace le syndicat majoritaire. D’autant qu’en parallèle, la vente d’autres centres fermés était restée soumise à la clause d’intéressement (comme au Plessis-Robinson) et qu’à l’heure actuelle, le produit de la vente de plusieurs biens immobiliers (qui s’élèverait à une vingtaine de millions d’euros) n’a toujours pas été réinvesti dans la rénovation d’autres centres, faute de trajectoire écrite de l’État sur l’attribution de ces fonds.

« Nous ne contestons absolument pas à un élu le droit d’interpeller un ministre, mais nous aimerions savoir si cette intervention de David Lisnard a pesé sur la décision rapide du conseil d’administration. Si c’est le cas, nous sommes étonnés de voir le ministre s’impliquer à ce point dans les affaires de l’Afpa alors qu’on ne l’entend pas sur les NAO ou d’autres sujets ! » poursuit André Thomas. La pilule est d’autant plus difficile à avaler pour le syndicaliste que l’an passé, après presque une décennie de gel des salaires à l’Afpa, un PSE et un plan de départs volontaires, les rémunérations n’ont connu qu’une augmentation d’à peine 1 %. Autre interrogation qui taraude l’élu : pourquoi avoir choisi de vendre le centre cannois à un autre organisme de formation plutôt que de proposer à Vatel une collaboration en vue de développer l’offre de formation sur les métiers de l’hôtellerie-restauration, actuellement en tension. Des questions à cette heure sans réponse.

 

 

 

Auteur

  • Benjamin d'Alguerre