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Yves Hinnekint, Walt : « Il faudra bonifier la méthode de révision des coûts-contrat d’ici avril 2023 »

Apprentissage | publié le : 02.09.2022 | Benjamin d'Alguerre

La mobilisation des têtes de réseaux de l’apprentissage au cours de l’été a permis d’éviter le pire en matière de rabotage des coûts-contrats pour cette rentrée 2022. Mais le risque d’une seconde vague de révisions financières en avril prochain inquiète toujours selon Yves Hinnekint, président de Walt, association de promotion de l'apprentissage.

Comment les différents réseaux de l’apprentissage se sont-ils mis en ordre de marche cet été pour limiter le nombre de certifications à régulariser au 1er septembre ?

Yves Hinnekint : Les professionnels de l’alternance – Walt, Fnadir, Acteurs de la compétence, etc. – étaient au courant de longue date de l’intention du gouvernement de réviser à la baisse le niveau de prise en charge des contrats d’apprentissage à hauteur de 5 % des montants. Sauf que ce n’est qu’à la mi-juillet que nous avons collectivement été informés que cette réduction ne serait pas mathématiquement uniforme sur l’ensemble des quelque 40 000 lignes NPEC, mais qu’elle ne serait qu’une moyenne. Concrètement, cela veut dire qu’en fonction des contrats, la diminution pourrait effectivement s’élever à 5 % sur certains contrats, mais serait de 10, 15, 30, 50, voire 70 % sur certains cursus bien particuliers ! Y compris sur des parcours de formation concernant des métiers en tension ! Lorsque l’on est directeur de CFA et que l’on apprend dans l’été qu’un diplôme jusqu’alors pris en charge à hauteur de 7000 ou 8000 euros ne le sera plus qu’à 4500 à la rentrée, il se pose forcément des questions sur l’opportunité de maintenir des sections ouvertes en septembre. Les différentes têtes de réseaux ont donc adressé une lettre collective au président de la République en juillet pour l’alerter sur notre situation. Une réunion a été organisée entre les principales têtes de réseaux et le cabinet de Carole Grandjean dès le lundi 29 août pour préparer la rentrée. S’en est suivie une suite d’échanges entre nous, les équipes du ministère et France Compétences qui ont abouti à la restriction du nombre de certifications à réviser à 275 au mois de septembre. Pour les autres, c’est l’ancienne valeur qui s’appliquera à la rentrée, ce qui offre une certaine sécurité aux directions des établissements de formation pour engager cette rentrée 2022. Mais nous ne crions pas victoire. Il reste plusieurs chantiers devant nous.

… comme celui de la seconde rectification financière prévue pour avril 2023 ?

Y. H : Voilà. En vue de cette échéance, il faudra bonifier la méthode de révision. La comptabilité analytique des CFA n’est pas le Saint-Graal. Les établissements de formation font déjà des efforts. Un diplôme de niveau 6 à 8000 euros passé à 4500 début juillet puis remonté à 7000 euros en attendant son réexamen par les CPNE de branches représente déjà une perte pour le CFA, surtout si on tient compte de l’inflation en hausse. Si le gouvernement redonne un coup de rabot au mois d’avril 2023, il sera difficile d’atteindre l’objectif de 800 000 apprentis fin 2023 et le million en 2027.

Mais n’est-ce pas la conséquence inévitable de cette réforme de l’apprentissage qui s’est faite à enveloppe ouverte ?

Y. H : Je n’ai pas la légitimité pour en juger, mais si l’on veut parler du coût de l’apprentissage, il faut aussi tenir compte de ce qu’il rapporte pour les deniers publics. En novembre 2021, Walt a publié une étude réalisée avec le cabinet Goodwill-management démontrant que chaque apprenti représente un gain de 3368 euros pour les finances publiques. Certes, un contrat financé à 6000, 7000 ou 9000 euros par an – ce qui reste moins élevé que le coût annuel d’un étudiant – représente un investissement, mais si l’on tient compte de la meilleure insertion des apprentis sur le marché du travail qui réduit les coûts sociaux, la hausse des cotisations salariales et patronales, la hausse des recettes publiques grâce à l’augmentation de pouvoir d’achat des apprentis ou la baisse des coûts pédagogiques des apprentis, les finances publiques sont largement gagnantes. Avec l’apprentissage, on participe à la révolution du travail des jeunes en France à coûts raisonnables.

Le ministère du Travail vous a-t-il donné des informations sur les diplômes et les niveaux de prise en charge qui seront impactés en avril prochain ?

Y. H : Non. La question qui se pose, c’est plutôt celle d’une nouvelle révision en avril dans un contexte économique qui s’annonce tendu. Conserver l’idée d’une baisse de 5 % sur chaque contrat aurait été plus raisonnable.

Avez-vous mesuré le niveau de « casse » avec cette première vague de révision en septembre ?

Y. H : Elle est sans doute plus mesurée qu’elle ne l’aurait été. Globalement, les CFA ont maintenu leurs sessions ouvertes. Nous sommes en train de nous organiser en prévision de 2023 mais nous avons au moins pu éviter la catastrophe annoncée pour la rentrée 2022 et nous épargner beaucoup de stress inutile.

Pensez-vous que les CPNE des branches concernées par la révision des coûts-contrats auront assez d’un mois pour calculer de nouveaux niveaux de prise en charge ?

Y. H : C’est effectivement très court, mais l’enjeu mérite ces efforts de leur part.

Auteur

  • Benjamin d'Alguerre