Les états généraux de la mobilité européenne des apprentis s’ouvrent aujourd’hui pour deux jours au Conservatoire national des Arts et Métiers. À cette occasion, l’association Euro App Mobility, présidée par l’ancien ministre de l’Économie et des Finances, Jean Arthuis, présentera une nouvelle plateforme de mise en relation des entreprises, jeunes et CFA, ainsi qu’un manifeste « Pour l’Europe des Apprentis ». Rencontre.
Quels grands thèmes seront abordés lors de ces états généraux ?
Jean Arthuis : Cet événement s’inscrit dans la continuité du sommet social européen de Porto qui s’est tenu en mai dernier. À son issue, les chefs d’États et de gouvernements ont annoncé leurs intentions de donner la priorité aux politiques d’aides à l’insertion et à l’emploi des jeunes après une pandémie de Covid-19 qui a profondément bousculé le marché du travail, ainsi que leurs projets d’éducation et de formation. L’Union européenne vient d’ailleurs d’augmenter les ressources d’Erasmus + pour favoriser la mobilité des apprentis au sein des pays de l’Union. C’est dans ce contexte que nous allons présenter notre plateforme qui vise à faciliter la mise en relation de centres de formation, de candidats à l’apprentissage et d’entreprises susceptibles de les accueillir, et lancer notre manifeste « Pour une Europe des apprentis » recensant nos propositions pour favoriser cette Europe de l’alternance que nous appelons de nos vœux.
Quelles sont les revendications contenues dans votre manifeste ?
J. A. : Nous nous sommes fixés comme objectif de faciliter les mobilités longues. Aujourd’hui, la durée moyenne de mobilité d’un apprenti européen est de deux ou trois semaines. Nous travaillons pour qu’elle s’étende à deux ou trois mois. Pour cela, il est nécessaire de lever les freins qui subsistent. Ils sont de plusieurs ordres : juridiques, financiers, linguistiques, psychologiques et même sanitaires depuis 2020. Côté juridique, on compte toujours ce problème de clause du contrat de travail des apprentis français qui empêche leur employeur de les rémunérer plus d’un mois lors d’une mobilité à l’étranger. C’est un blocage majeur, notamment dans le cadre des alternances de l’enseignement supérieur et nous espérons très vite trouver un véhicule législatif pour le faire sauter. La responsabilité civile du maître d’apprentissage en constitue un autre puisqu’il n’incite pas les employeurs d’apprentis à les encourager dans une mobilité européenne. Sur le plan financier, on note de vrais progrès puisqu’il est désormais possible de faire prendre en charge la rémunération des jeunes par la bourse Erasmus + complétée par des versements de Pôle emploi. La question de la langue représente une difficulté supplémentaire : certains apprentis venus d’Europe de l’Est ont ainsi dû récemment renoncer à leur mobilité en France car les CFA dans lesquels ils candidataient ne proposaient pas de cours en anglais. Il y a tout un travail à développer sur ce point. Il ne faut pas non plus négliger les freins psychologiques : choisir de passer plusieurs mois dans un pays étranger demande à des jeunes qui n’ont parfois jamais voyagé de sortir de leur zone de confort. Mais ces freins psychologiques existent aussi du côté des employeurs et des maîtres d’apprentissage. Ce n’est pas forcément facile pour eux d’engager le recrutement d’un alternant sachant que ce dernier les quittera pendant plusieurs mois. Enfin, il existe également tout un travail à mener sur la valorisation de cette mobilité européenne. Actuellement, les acquis de la mobilité sont encore faibles. Euro App Mobility travaille en ce moment avec les institutions européennes pour adapter le système ECTS (European Credits Transfer System) qui favorise la reconnaissance des diplômes à l’étranger, à l’apprentissage.
Comment développer les aides financières à la mobilité ?
J. A. : Nous réfléchissons à la mise en place d’un fonds d’amorçage qui pourrait trouver ses ressources grâce aux enveloppes du Fonds social européen (FSE), des Fonds européens de développement aux Régions (FEDER), voire dans les 750 milliards du Recovery & Resilience Plan adopté par l’UE pour redresser les États de l’Union après la crise pandémique, puisqu’il comprend un volet sur le chômage des jeunes. Dans notre manifeste, nous proposons d’ailleurs que les conseils régionaux soient en charge de la rédaction des programmes de mobilité européennes, de la définition des projets pédagogiques et de la répartition des fonds nécessaires à la mise en place de référents mobilités au sein des CFA au titre de leur nouvelle compétence sur l’orientation. Les Régions ont mal vécu la loi Avenir professionnel qui transfère la majeure partie de leur compétence « apprentissage » vers les branches, et ce projet pourrait constituer un moyen de les impliquer de nouveau sur la formation professionnelle des jeunes.
Qu’espérez-vous de la future présidence française du Conseil de l’UE qui doit advenir au premier trimestre 2022 ?
J. A. : J’espère qu’elle saura porter la problématique du chômage des jeunes comme cette question le mérite et engager l’ensemble des pays de l’Union vers une large ouverture d’Erasmus aux apprentis.