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Les scénarios de la Cour des comptes pour redresser les finances de France Compétences

Apprentissage | publié le : 23.06.2022 | Benjamin d'Alguerre

Businessman plan graph growth increase of chart positive indicat

La situation financière de l’alternance est intenable à terme, prévient la Cour des comptes dans son dernier rapport. Avec un déficit annoncé de presque 6 milliards d'euros pour France Compétences en 2022, les magistrats proposent plusieurs scénarios pour redresser le régime : raboter les coûts-contrats, restreindre les niveaux de diplômes pris en charge, augmenter la participation des entreprises au financement ou étendre le périmètre de la taxe d’apprentissage…

C’est peut-être la fin annoncée d’une réforme qui s’était faite "à enveloppe ouverte". Dans son dernier rapport publié mercredi 23 juin, la Cour des comptes enjoint aux ministères de l’Économie et du Travail de resserrer la vis en matière de financement de l’alternance. Car entre des coûts "au contrat" jugés surévalués de 20 % en moyenne par rapport au coût estimé de la formation et des aides aux entreprises pour l’embauche d’apprentis (5 000 pour un jeune mineur, 8 000 pour un majeur) initialement prévues pour passer la crise pandémique, mais qui s’inscrivent désormais dans la durée – elles seront prolongées jusqu'à fin 2022, annonçait Olivier Dussopt en prenant ses fonctions de ministre du Travail –, la facture finale pour France Compétences, l’organisme gestionnaire des fonds de la formation et de l’alternance, s’alourdit. "Pour 2022, le déficit prévisionnel est estimé à 5,9 milliards d’euros", avertissent les sages de la rue Cambon. Et ce malgré 2,75 milliards d'euros de subventions exceptionnelles déjà accordées par l’État à l’opérateur fin 2021 (après deux recapitalisations successives en 2020 et 2019) et la renégociation d’une ligne de trésorerie d’1,7 milliard d'euros la même année qui vient se rajouter à la dette de l’organisme. Beaucoup trop pour la Cour des comptes qui exige davantage de frugalité en matière de trajectoire financière pour l’alternance.

Pour autant, la Cour ne critique pas le fond de la réforme. Les magistrats saluent son efficacité quantitative en matière d’insertion des jeunes sur le marché de l’emploi (les derniers chiffres de la Dares recensent 852 000 contrats d’alternance signés, apprentissage et professionnalisation confondus), mais pointent cependant, outre les risques financiers qu’elle fait peser sur France Compétences, un certain dévoiement des objectifs initiaux. Puisque là où ses effets devaient bénéficier aux jeunes les plus éloignés de l’emploi préparant des cursus infra-bac dans des domaines liés traditionnellement à la formation par apprentissage (artisanat, commerce…), il s’avère que la réforme profite surtout aux filières de l’enseignement supérieur qui ont choisi de faire passer leurs diplômes en alternance. Avec pour effet un entraînement des prix vers le haut : "le surcoût par contrat d’apprentissage peut être évalué à au moins 1 200 euros entre 2018 et 2020, soit 17 %", calcule la Cour.

Coup de rabot financier

Autant de constats qui appellent une révision en profondeur du système afin d’éviter à France Compétences de se retrouver en situation de cessation de paiements. À commencer par l'arrêt des primes à l'embauche, associées à un sérieux coup de rabot sur la prise en charge des coûts-contrats, ce que suggéraient déjà les partenaires sociaux dans leur rapport transmis en juin 2020 à Élisabeth Borne, alors ministre du Travail. De combien ? Selon les calculs de la Cour, une baisse générale de 10 % entraînerait une économie de 773 millions d’euros sur les engagements 2022. Avec une réduction de 20 %, ce serait 1,5 milliards d'euros d’économies qui soulageraient les finances de France Compétences. Il ne s’agirait toutefois pas d’appliquer le même tarif à tout le monde. Dans cette hypothèse, les acteurs du financement de l’alternance seraient encouragés à se baser sur la comptabilité analytique des CFA pour savoir où et dans quelle proportion tailler dans le gras (en minorant, par exemple, le niveau de prise en charge pour les établissements bénéficiant déjà de financements publics comme l’avaient déjà proposé les partenaires sociaux dans leur rapport), voire en limitant le bénéfice des coûts-contrats aux seuls niveaux de type bac + 2 et infra.

Autres pistes avancées par les magistrats de la rue Cambon : la fin des exonérations de taxe d’apprentissage des entreprises installées dans les deux départements alsaciens et celui de la Moselle ainsi que de celles relevant du secteur de l’économie sociale et solidaire (ESS) qui en sont exemptes. Ce qui ferait grimper le nombre de contributeurs de 890 000 aujourd'hui à environ 1,4 million et les ressources de l’alternance de 600 millions d'euros. À ces recettes supplémentaires s'en ajouteraient possiblement d'autres, venues d'un complément du financement de l’apprentissage par des contributions conventionnelles versées par les branches aux Opco. Ce que prévoyait déjà la loi de finances 2021 avant que cette disposition ne se fasse censurer par la Conseil Constitutionnel au motif qu’elle n’affectait pas directement les dépenses budgétaires de l’année, "mais qui pourrait repasser par un autre véhicule législatif", explique la Cour.  Ses magistrats imaginent aussi la mise en place d’un "reste à charge" à verser par les entreprises employeuses d’apprentis afin de compléter les financements. Entre augmentation quantitative des effectifs et stabilité financière, il va falloir choisir…

Auteur

  • Benjamin d'Alguerre