Malgré les bons chiffres de l’apprentissage, les directeurs de CFA s’inquiètent pour la sécurisation des circuits de financement des établissements. Élisabeth Borne leur a promis la mise en place d’une fongibilité des enveloppes régionales dans un premier temps.
Sur le papier, l’apprentissage ne s’est jamais aussi bien porté. Avec 2 800 nouveaux centres de formation d’apprentis ouverts entre 2018 et 2021 et 560 000 contrats enregistrés à la mi-novembre, tous les signaux semblent au vert. Dans les faits, cependant, la situation se révèle plus ambivalente. En premier lieu car la croissance du nombre de contrats ces dernières années est essentiellement portée par l’enseignement supérieur. Selon les derniers chiffres du ministère du Travail, le nombre de cursus en alternance menant vers des diplômes de niveau bac + 3 à bac + 5 a grimpé de 92 % rien qu’entre 2019 et 2020 au détriment des niveaux inférieurs, notamment bac et infra-bac où certaines filières peinent toujours à recruter. Les secteurs de la soudure, de l’électricité ou de la maroquinerie restent en tension, faute de candidats à la porte des CFA. Par ailleurs, certaines branches, comme la métallurgie ou le bâtiment, ne parviennent pas, faute d’attractivité, à retenir les jeunes récemment formés. À trois ans après l’obtention du diplôme, ces entreprises accusent une véritable saignée de compétences atteignant 40 % dans l’industrie métallurgique.
Secundo, l’incertitude pèse toujours sur le financement de l’apprentissage. France Compétences, l’opérateur d’État en charge de la ventilation des fonds de la formation professionnelle est de l’alternance va finir l’année une fois encore avec un déficit conséquent encore aggravé ces derniers mois. On attendait un trou dans la caisse de 3 milliards fin 2021, il approchera finalement les 3,75 milliards, forçant l’exécutif à remettre au pot. Non pas à hauteur de 2 milliards comme annoncé en octobre, mais de 2,75 milliards. Face au déficit chronique, les partenaires sociaux vont être réunis par le ministère du Travail pour plancher sur une révision des "coûts-contrats" établis voici trois ans par les branches professionnelles. Avec l’objectif de déterminer, comme l’a annoncé Élisabeth Borne, "le juste prix" des cursus en apprentissage. Toujours sur le volet financier, enfin, les enveloppes régionales dédiées aux investissements dans les CFA (180 millions), sanctuarisées sur trois ans, commencent à arriver à leur limite et à ce stade, rien ne prévoit leur reconduction après la présidentielle.
Fongibilité des enveloppes régionales
Bref, de quoi inquiéter les directrices et directeurs de CFA malgré l’embellie. Leur fédération professionnelle, la Fnadir, réunie en congrès les 31 novembre et 1er décembre 2021, a d’ailleurs tenu à tirer la sonnette d’alarme et à présenter ses doléances au ministère du Travail. Les plus emblématiques : création d’un secrétariat à l’orientation, mise en œuvre d’une réelle simplification administrative et… sécurisation financière des établissements. "La libéralisation de l’apprentissage a fait changer le modèle économique des CFA et a transformé leurs directeurs en chefs d’entreprise", reconnaît Élisabeth Borne. Et dans un contexte d’offre – et donc de concurrence – accrue entre les établissements, la recherche de fonds devient donc primordiale, surtout en cas de réduction des coûts-contrats. Cependant, la ministre s’est engagée à donner un coup de pouce financier aux centres de formation d’apprentis, en permettant, par l'intermédiaire d'un futur décret à paraître, une meilleure fongibilité entre les enveloppes régionales dédiées aux investissements dans l’apprentissage (désormais presque vides) et celles consacrées à l’aménagement du territoire auxquelles les régions n’ont presque pas touché. Ce qui devrait permettre aux conseils régionaux de distribuer jusqu’à 135 millions supplémentaires aux établissements. Mais ces derniers ne pourront pas faire l’économie de mieux s’entendre avec les écosystèmes régionaux de l’orientation pour attirer davantage de jeunes vers les métiers auxquels ils préparent…