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"Le modèle financier de France Compétences ne tiendra pas éternellement" (Groupe IGS)

Apprentissage | publié le : 04.06.2021 | Benjamin d'Alguerre

Le maintien des aides à l'embauche d'alternants (5.000 euros par an pour un mineur, 8.000 pour un majeur) jusqu'au 31 décembre 2021 devrait permettre aux bons chiffres de l'apprentissage de se maintenir cette année. Mais le déficit structurel de France Compétences amènera nécessairement les pouvoirs publics à faire des choix budgétaires dès 2022, selon Jean-Philippe Leroy, directeur général adjoint du Groupe IGS.

Comment s’annonce la rentrée pour l’apprentissage ?

Jean-Philippe Leroy : Pour le Groupe IGS, nous enregistrons une avance de 15 à 20 % des contrats engagés par rapport à la rentrée 2020, laquelle s’était déjà très bien passée malgré les incertitudes dues à la situation pandémique. Les aides à l’embauche d’apprentis et leur reconduction ont joué à plein et les entreprises, notamment dans le secteur tertiaire, ont continué de recruter des alternants. Sous contrat d’apprentissage pour l’essentiel. On constate d’ailleurs que tous les contrats d’alternance qui étaient éligibles à la fois et à la professionnalisation et à l’apprentissage sont passés sous le régime de l’apprentissage.

La fin des aides au 31 décembre 2021 risque-t-elle d’entraîner une chute de l’apprentissage ?

J-P. L. : C’est à redouter. Les chiffres de l’apprentissage ont été dopés par l’existence de ces aides mais elles n’expliquent pas tout. Il existe sur les financements « au contrat » de France Compétences un effet de dupes qui a été peu relevé jusqu’à présent, c’est la prise en charge au « taux d’amorçage » des diplômes et certifications en cours de renouvellement par le Répertoire national de la certification professionnelle (RNCP). Pour ces titres, la prise en charge est fixée à un plancher – 7500 euros pour une certification de type Bac + 5 par exemple – bien inférieure au taux de prise en charge fixé par les branches. Dans le périmètre du Groupe IGS, on compte cette année une dizaine de diplômes, titres et certifications dans ce cas. Certaines prises en charge, pour des diplômes liés par exemple au management ou au commerce, sont passées ainsi de 12.000 euros par contrat à moins de 8.000. C’est une vraie problématique pour nous, même si les Opco remboursent le delta une fois le niveau de prise en charge réajusté. Sauf que ce réajustement peut prendre jusqu’à un an...

Va-t-on vers un rééquilibrage de l’alternance en 2022 ?

J-P. L. : Je ne sais pas si le système tel qu’il existe est « trop généreux » comme on le dit parfois car il présente aussi des avantages. Par exemple, nombre de jeunes qui suivaient un cursus dans le supérieur sous le statut étudiant ont pu le transformer en celui d’apprenti, ce qui signifie la fin des frais de scolarité et la possibilité pour le jeune d’être rémunéré pendant son parcours. Ce n’est pas forcément un choix pédagogique, mais en temps de crise économique, c’est un véritable soulagement financier pour nombre de familles.

Les finances de France Compétences tiendront-elles le choc ?

J-P. L. : On ne peut nier l’énorme déficit de France Compétences qui, selon certains calculs, s’élèverait à 2,4 milliards pour 2021 après une première recapitalisation en 2020. Il est évident que ce modèle ne tiendra pas indéfiniment. Soit le Gouvernement décide de réduire le nombre de contrats d’apprentissage, soit il en réduit le niveau de prise en charge financière, et c’est certainement pour cette dernière option qu’il optera. Bien sûr, on peut aussi imaginer un nouveau fléchage financier privilégiant les niveaux de qualification les plus bas. C’était l’intention de la réforme au départ. Seulement, ce n’est pas toujours faisable. Il y aurait peut-être un rééquilibrage à effectuer entre centres de formation. Par exemple, est-il normal qu’un CFA de l’Éducation Nationale déjà payé sur fonds publics bénéficie des mêmes prises en charge « au contrat » qu’un établissement du secteur privé qui doit régler de sa poche un certain nombre de frais fixes ? Des solutions sont sans doute aussi à chercher de ce côté.

Auteur

  • Benjamin d'Alguerre