La direction de France compétences vient de présenter aux partenaires sociaux la seconde salve de réduction des niveaux de prise en charge des contrats d’apprentissage. Ceux-ci devraient connaître une baisse moyenne de 5 % en vue d’économiser un demi-milliard d’euros. Syndicats et organisations patronales prévoient de voter contre.
Elle était attendue et redoutée. La seconde vague de réduction des niveaux de prise en charge des contrats d’apprentissage doit survenir le 1er septembre prochain. Le coup de rabot devrait se monter à 5 % des coûts, en moyenne, selon l’information que la direction de France compétences, l’organisme en charge de la gestion et de la ventilation des ressources de la formation et de l’alternance, a transmise aux partenaires sociaux le lundi 10 juillet. Objectif de la manœuvre : permettre à France compétences d’économiser 500 millions d’euros chaque année.
Car cette deuxième révision à la baisse – qui aurait dû se produire initialement en avril, avant d’être finalement reportée à la rentrée 2023 – s’inscrit dans le cadre général de la politique de réduction des dépenses de l’opérateur qui affiche un déficit constant de trésorerie chaque fin d’année. Au total, le trou dans la caisse s’élève à presque 9 milliards depuis sa création en 2019 (dont pratiquement 3,4 milliards à la fin 2022) et les recapitalisations successives de l’État lui permettent à peine à surnager. La faute aux surcoûts du compte personnel de formation, mais surtout à la prise en charge des coûts-contrats de l’apprentissage fixés par les branches professionnelles et jugés surévalués par rapport aux moyens de France compétences.
Or, sans plafond de dépenses et en l’absence de toute hausse des contributions formation et alternance des entreprises – que le patronat refuse en bloc – l’opérateur, sur injonction de son ministère de tutelle et surtout de Bercy, doit trouver des pistes d’économies. D’autant que les dépenses de France compétences ont été à deux reprises pointées du doigt par la Cour des comptes et une fois par France Stratégie. En 2022, le ministère du Travail avait souhaité imposer un régime d’austérité à l’opérateur avec une réduction de 10 % de la moyenne des coûts-contrats. La première vague de septembre 2022 les avait amputés de 2,5 %. En moyenne : certains diplômes avaient été affectés bien au-delà de ce taux tandis que d’autres étaient réévalués à la hausse.
Levée de boucliers
Or, cette répétition du scénario de 2022 suscite une levée de boucliers. En premier lieu, au sein des réseaux de centres de formation d’apprentis (CFA) qui dénoncent un coup de rabot délétère pour les moyens de leurs établissements. Mais aussi chez les partenaires sociaux membres du conseil d’administration de France compétences amenés à s’exprimer sur cette décision par voie électronique cette semaine. Selon nos informations, toutes les organisations, syndicales et patronales confondues, s’apprêtent à voter « non ». Suivies sans doute par les Régions, toujours critiques à propos de la réforme de 2018 qui a privé les collectivités régionales de leurs compétences en matière d’apprentissage au profit des branches professionnelles. « Mais notre opposition ne servira à rien tant que les représentants de l’État pèseront plus de la majorité des voix au conseil d’administration de France compétences », peste Laurent Munerot, vice-président de l’U2P.
Les problèmes de financement de France compétences ne datent pourtant pas d’hier. À l’issue de la signature de leur accord-cadre national sur la formation professionnelle du 15 octobre 2021, les partenaires sociaux avaient établi un vade-mecum des ajustements à apporter au système, présenté à Carole Grandjean, secrétaire d’État à la Formation et à l’Enseignement professionnels en décembre 2022. Figuraient parmi les pistes d’évolution de la robinetterie financière des propositions impliquant la participation de l’Éducation nationale – qui chapeaute également des CFA - ou l’affectation de 800 millions d’euros du plan d’investissement dans les compétences à la trésorerie de France compétences. Des requêtes qui s’accompagnaient d’une demande de rénovation de la gouvernance de l’opérateur, certes quadripartite dans sa composition, mais où les représentants de l’État sont prépondérants par rapport aux trois autres composantes (syndicats, organisations patronales et collectivités régionales). Des revendications restées pour l’instant sans réponse.