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Coûts-contrats : l’État resserre la vis

Apprentissage | publié le : 30.06.2022 | Benjamin d'Alguerre

Apprentice working in steelworks plant, with instructor

Après trois années de déficit pour France Compétences et autant de recapitalisations de cet opérateur chargé de ventiler les fonds de la formation et de l’apprentissage, l’État a décidé de resserrer le robinet des dépenses d'apprentissage en rabotant possiblement jusqu’à 10 % du montant des coûts-contrats.

L’apprentissage à la diète. Face à la situation financière de plus en plus préoccupante de France Compétences ; l’opérateur quadripartite en charge de la ventilation des fonds de l’alternance dont le déficit prévisionnel pour 2022 frôle les 6 milliards d’euros, l’Etat a choisi la voie de la frugalité. Finie la réforme « à enveloppe ouverte » telle qu’elle avait été mise en place : les branches professionnelles qui, depuis 2019, fixent le niveau de prise en charge financière des contrats d’apprentissage, vont devoir désormais revoir leurs tarifs à la baisse. Le plan d’économie présenté hier au conseil d’administration de l’opérateur prévoit réduction globale de la moyenne des coûts-contrats pouvant monter jusqu’à 10% en vue de réaliser une économie globale de 800 millions d’euros.

Une observation préalable à un second coût de rabot

Une baisse prévue selon deux échéances avec un premier rabotage de 5% dès le mois de septembre 2022 pour tous les coûts-contrats dépassant trop ostensiblement les niveaux jugés acceptables par France Compétences et un second planifié pour avril 2023, mais dont le montant demeure pour l’instant en suspens. Car si Olivier Dussopt a bien annoncé une deuxième réduction de 5% le matin du 30 juin lors d’un déplacement, la délibération du conseil d’administration de France Compétences, elle, prévoit d’abord une analyse des coûts réels de ces prises en charge financières accompagnées d’une rencontre des branches et des réseaux de CFA pour en déterminer le montant exact qui, vraisemblablement, devrait être effectif non pas en avril 2023, mais en septembre de la même année pour éviter une double ponction au cours d’une même année scolaire. « Cette déclaration du ministre était maladroite et risque de créer un sentiment de double punition chez les CFA qui pourraient s’attendre à subir à deux réductions successives de 5% sur une seule année. Pour un centre de formation, une perte de 10%, c’est énorme ! » s’agace un administrateur syndical de France Compétences.

Cette nouvelle consultation des branches et des CFA préalable à tout coup de massue tarifaire constituerait aussi un moyen de ramener les premières à de nouvelles négociations sur les coûts-contrats. Sollicitées une première fois pour revoir leurs prix à la baisse en 2021, une centaine d’entre elles avaient fait la sourde oreille aux demandes de France Compétences pendant que les soixante restantes, parmi lesquelles les transports ou les services à la personne, avaient accepté de concéder à une révision à la baisse de leurs niveaux de prise en charge. « Imposer à toutes la même réduction moyenne serait une forme de punition collective injuste pour toutes celles qui ont joué le jeu », grince-t-on côté syndical. A l’époque, l’agacement de France Compétences face aux mauvais joueurs avait été tel qu’un coup de rabot de 14% sur les coûts-contrats avait été envisagé par Bercy avant que les partenaires sociaux ne retoquent cette tentation arbitraire venue d’en haut qui serait revenue à balayer leurs propres scénarios visant à une meilleure régulation des dépenses. Parmi ces propositions : une extension de la taxe d’apprentissage à toutes les entreprises qui en sont pour l’instant exemptes (exploitations agricoles, sociétés de moins de 11 salariés, mais aussi une implication financière des établissements de formation subventionnés par l’Etat (Greta, lycées professionnels…) qui bénéficient des coûts-contrats sans pour autant contribuer à l’écosystème économique de l’alternance. Autant de pistes d’équilibre budgétaire imaginées par les groupes de travail paritaires dont les travaux avaient suivi la signature de l’Accord-cadre national interprofessionel de décembre 2021 sur la formation professionnelle signé par l’ensemble des organisations patronales et syndicales (sauf la CGT) et dont les partenaires sociaux entendent bien aujourd’hui rappeler l’existence au ministre du Travail.

"L’Etat compte-t-il faire vivre France Compétences à crédit tous les ans ?"

Pour autant, du côté des opposants historiques à la réforme de l’apprentissage de 2018, des réductions tarifaires de 5 ou 10% ne changeront pas le fond d’une réforme structurellement génératrices de déséquilibres financiers comme l’avaient déjà observé la Cour des Comptes et le Sénat dans deux rapports successifs sortis ces dernières semaines. « Que représentent 800 millions d’économies comparés au 1,6 milliard de déficit actuel sachant que le gouvernement s’est fixé comme objectif de franchir le seuil du million d’apprentis ? L’Etat compte-t-il faire vivre France Compétences à crédit tous les ans ? » s’interroge David Margueritte, élu régional de Normandie et membre de la délégation des Régions au conseil d’administration de France Compétences. Selon lui, c’est tout le système qui est à remettre à plat. « Et à l’heure où le gouvernement ne dispose pas d’une majorité à l’Assemblée Nationale, on peut douter que des alliés potentiels laissent en place un système aussi peu soucieux de son endettement ». C’est dit.

 

Auteur

  • Benjamin d'Alguerre