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Coûts-contrats : les CFA priés de se serrer la ceinture

Apprentissage | publié le : 31.08.2022 | Benjamin d'Alguerre

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La première vague de réduction des niveaux de prise en charge des contrats d’apprentissage entre en vigueur ce 1er septembre. Elle concernera 275 certifications avant qu’une seconde étape ne soit engagée en avril 2023. En moyenne, le niveau de prise en charge devrait connaître une baisse de 10% sur 2022-2023.

C’est une rentrée paradoxale pour l’apprentissage. D’un côté, Elisabeth Borne qui rappelait le 30 août dernier à l’occasion des Rencontres des entrepreneurs de France (REF, ex-Universités d’été du Medef) toujours vouloir atteindre l’objectif du million d’apprentis d’ici à la fin du quinquennat ; de l’autre, des centres de formation mis à la diète à compter de ce 1er septembre alors qu’entre en vigueur le premier coup de rabot de 400 millions d’euros sur le niveau de prise en charge financière des contrats d’apprentissage. Une autre tranche de réduction de ces coûts-contrats est prévue pour avril 2023. Selon les désidératas du gouvernement, celle-ci devrait également s’élever à 400 millions, permettant à France Compétences – l’organisme co-géré par l’Etat, les régions et les partenaires sociaux en charge de la ventilation des fonds de la formation professionnelle et de l’apprentissage – de réaliser une économie de 800 millions d’euros sur l’année scolaire 2022 – 2023. De quoi soulager sa trésorerie dont le déficit devrait tutoyer les 6 milliards fin 2022.

Les partenaires sociaux ne l’entendent pas de cette oreille. Eux souhaitent conditionner un éventuel second rabotage des crédits à une enquête préalable de la comptabilité analytique des établissements récipiendaires des fonds de l’apprentissage pour éviter de procéder à des coupes arbitraires dans les budgets des CFA. Autant dire qu’avec Olivier Dussopt qui a d’ores et déjà annoncé son intention d’atteindre les 10% de réduction des coûts-contrats en 2023, le bras de fer est engagé. « Que le ministre annonce une baisse des niveaux de prise en charge de 10%, c’est son problème. Mais la réforme de 2018 a mis en place une instance pilotée par l’Etat – France Compétences – dotée d’un conseil d’administration souverain en charge décision financière. C’est à nous de décider ! », assène Maxime Dumont, administrateur CFTC de l’organisme.

275 des 3 289 certifications concernées dès septembre

En attendant, le ministère du Travail, a prévu que la première vague d’ajustement de septembre comprendrait « des corrections » sur 275 certifications sur 3 289 certifications. En 2019-2020, une précédente séquence de rectification avait déjà concerné environ 3% des niveaux de prise en charge. Celle-ci aurait dû se poursuivre les deux années suivantes, mais la crise sanitaire est venue chambouler le calendrier.

Si le chiffre de 275 certifications apparaît peu élevé, la réduction budgétaire annoncée pourrait avoir des conséquences délétères pour les établissements concernés. « Ça risque d’être un massacre pour certains de nos diplômes » affirmait en juillet dernier Thierry Teboul, directeur général de l’Afdas, l’opérateur de compétences du spectacle, de la culture, de la communication et du sport. Certains cursus pourraient voir des réductions budgétaires de 30 à 70%, en particulier dans l’enseignement supérieur. Et les dirigeants s’en inquiètent, aussi bien pour l’état de leur trésorerie que pour le sourcing des nouveaux apprentis. « Au-delà du risque financier, cela entraînera Il existe un risque de rupture d’égalité démocratique. Faute de prise en charge suffisante, les diplômes touchés devront soit disparaître, soit être réorientés vers un mode de financement universitaire classique avec des frais d’inscription élevés. Les classes populaires se verront refuser l’accès à certaines qualifications », témoigne un directeur d’établissement lié au monde du numérique. Une crainte partagée par la CGT : « rien n’est réglé quant à qui va, au final, payer ces baisses de prise en charge qui vont bien au-delà des 10% en moyenne annoncés pour certaines formations. Cette décision prise pendant l’été va défavoriser les familles les plus modestes ou les plus petites entreprises et déséquilibrer un écosystème peine à trouver ses points d’équilibre » s’agace la Centrale de Montreuil.

Mais pour d’autres centres de formation moins concernés par les problématiques sociales, le coup de rabot risque aussi d’avoir des conséquences. « Les investissements liés à l’innovation risquent d’être sacrifiées sur l’autel de la stabilité budgétaire », explique-t-on du côté de la métallurgie. Et les enveloppes régionales dédiées à l’aide au développement des établissements (180 millions d’euros pour l’ensemble des collectivités régionales) risque de s’avérer insuffisante malgré le système de péréquation mis en place en 2021.

Les partenaires sociaux « dépouillés » de leurs prérogatives

Au-delà des questions financières, c’est aussi le temps accordé aux branches professionnelles pour procéder à un nouveau calcul financier des niveaux de prise en charge plus conforme aux recommandations de France Compétences qui fait grincer des dents. Selon les modalités d’un projet de décret soumis à l’examen de la Commission nationale de la négociation collective, de l’emploi et de la formation professionnelle (CNNCEFP) mi-août – dont la publication est attendue ces jours-ci - celles-ci n’auront qu’un mois entre le moment où la notification de réévaluation de France Compétences leur sera adressée pour réunir leurs commissions paritaires nationales de l’emploi (CPNE) – le plus souvent composées de représentants patronaux et syndicaux bénévoles – et procéder à de nouveaux calculs sous peine de voir les pouvoirs publics prendre la main sur la détermination des coûts-contrats.

Une procédure qui « concrétise un peu plus le dépouillement des prérogatives des partenaires sociaux dans le champ de la formation : celui de fixer les niveaux de prise en charge de manière autonome », s’énerve la CFE-CGC. De fait, lors de l’examen du projet de décret en août dernier, seules deux organisations (CFDT et CFTC) lui ont accordé un avis favorable – assorti cependant de la demande de création d’une commission « apprentissage » au sein de France Compétences pour la première et d’une formation des membres des CPNE aux frais de l’Etat pour la seconde. Deux l’ont rejeté (CGT et CFE-CGC). Les autres se sont contentées d’en prendre acte…

 

Auteur

  • Benjamin d'Alguerre