Plus de 2 contrats d’apprentissage sur 10 sont rompus avant leur dixième mois. Une étude de la Dares apporte des facteurs d’explication à ce taux en hausse constante.
Les contrats d’apprentissage ne sont pas ce long fleuve tranquille qui mènerait vers un poste un CDI. Plus de 2 sur 10 sont rompus avant leur dixième mois. Ces chiffres de 2022 compilés par la Dares montrent une augmentation nette par rapport à la période de crise sanitaire, qui avait constitué une pause avec des taux de rupture de 17 % et de 16 % pour les contrats d’apprentissage commencés en 2019 et 2020, mais surtout par rapport à la période précédente (19 % en 2017 et 2018).
Cette augmentation tient à des motifs à la fois anciens mais aussi nouveaux. Les données montrent que les ruptures sont plus fréquentes lorsque les apprentis préparent des formations du secondaire (équivalent CAP, baccalauréat, ou mentions complémentaires) que du supérieur (Bac + 2, Bac + 3, Bac + 5 ou plus). Dans le secondaire, c’est plus d’un quart (26 %) des contrats entamés en 2022 qui sont rompus avant leur dixième mois, soit huit points de pourcentage de plus que dans le supérieur (18 %).
Les filles rompent plus souvent
Les comportements de deux catégories de jeunes apparaissent nettement : les ruptures sont plus fréquentes parmi les apprentis non diplômés de l’enseignement supérieur à leur entrée en apprentissage, ainsi que pour les apprentis les plus jeunes, qui préparent plus souvent des formations de niveau CAP à Bac + 2. Alors que les taux de rupture des moins de 20 ans avant le dixième mois sont au-dessus de la moyenne, tandis que ceux des 20-29 ans sont inférieurs.
L’analyse de la Dares apporte cependant un nouvel éclairage sur cette évolution en montrant que, pour la plupart des niveaux de formation préparée, la probabilité de rupture avant le dixième mois du contrat d’apprentissage est généralement plus élevée pour des apprentis plus âgés. Les données font apparaître que le risque de rupture est plus élevé parmi les apprentis avec du retard scolaire ou en réorientation.
Les filles ont aussi une propension plus élevée à rompre leur contrat puisqu’elles sont 23 % dans ce cas contre 22 % pour les garçons. Une analyse plus poussée, neutralisant les autres paramètres, montre que, pour un niveau de formation et un secteur d’activité donné, la probabilité de rupture du contrat avant le dixième mois est nettement supérieure chez les femmes (+ 3,6 points de pourcentage).
Un nouveau public
L’étude relève aussi que le public de l’apprentissage a évolué depuis la réforme de l’apprentissage engagée en 2018 avec la loi dite « Avenir professionnel ». Ce texte a étendu cette possibilité aux jeunes âgés de 25 à 29 ans, libéralisé l’ouverture de centres de formation d’apprentis (CFA) et assoupli les règles régissant les ruptures unilatérales de contrats d’apprentissage.
Contre toute attente, cet afflux n’a pas conduit à une baisse du taux de rupture moyen observé entre 2017 et 2022. C’est dans le supérieur qu’a été observée la plus forte hausse du taux de rupture des contrats d’apprentissage (+ 8 points), loin devant le secondaire (+ 2 points). Le taux des apprentis à Bac + 2 atteint ainsi 26 % en 2022.
Autre évolution très nette : la forte hausse des taux de rupture dans les secteurs habituellement peu concernés par ce phénomène, en l’occurrence ceux de l’information-communication, des activités financières et de l’assurance, mais aussi l’enseignement, l’administration publique, la santé humaine et l’action sociale. Une tendance similaire est également observée parmi les employeurs de 250 salariés ou plus.
Certains secteurs ou typologie d’entreprise s’illustrent par des taux particulièrement élevés de ruptures de contrat avant le dixième mois. C’est le cas pour l’hébergement-restauration (36 % pour les contrats commencés en 2022), les activités de coiffure et soins de beauté (30 %), les industries alimentaires et de fabrication de boissons et de produits à base de tabac (28 %).
Employeur novice ou expérimenté ?
En isolant tous les autres facteurs, dont l’âge des apprentis, les analyses confirment que le taux de rupture très élevé dans l’hébergement-restauration est « probablement en lien avec des conditions de travail spécifiques ». La taille des entreprises constitue un autre facteur propice à la rupture. Parmi celles de petite taille, comptant moins de 5 salariés, 28 % des contrats d’apprentissage ont été rompus avant leur dixième mois, contre 21 % dans les entreprises de 10 à 49 salariés et 12 % dans les entreprises de 250 salariés ou plus.
Enfin, l’étude souligne aussi l’arrivée de nouveaux employeurs, phénomène causé par la loi de 2018. Plus d’un tiers des contrats d’apprentissage commencés en 2022 ont débuté dans une entreprise qui n’avait pas accueilli d’apprentis entre 2012 et 2019. L’expérience dans l’accueil et l’accompagnement de jeunes en phase de formation joue de façon significative dans la réussite des parcours.
Les calculs de la Dares font ainsi apparaître que par rapport aux employeurs ayant accueilli des apprentis entre 2012 et 2014, la probabilité de rupture des contrats commencés en 2022 est plus élevée de l’ordre de 0,5 à 1 point de pourcentage pour les employeurs entrés dans l’apprentissage entre 2015 et 2018, de 3 points pour ceux entrés en 2019 ou 2020, de 4 points pour ceux entrés en 2021, et de 2 points pour ceux entrés en 2022.
Les auteurs de l’étude en concluent que les employeurs ayant cumulé une pratique de l’apprentissage durant les dix dernières années ont aussi accumulé une expérience qui leur permet de mieux détecter les jeunes les plus motivés et d’avoir des maîtres d’apprentissage mieux formés à l’encadrement, autant de facteurs qui favorisent des parcours plus fluides. L’étude soulève une autre hypothèse, tout aussi intéressante : parmi les employeurs ayant dans le passé recruté des apprentis, seuls ceux qui ont eu des expériences positives continueraient à recruter des jeunes...
(1) Étude de la Dares publiée en juillet 2024 : Ruptures des contrats d’apprentissage : quelles évolutions depuis la réforme de 2018 ?