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“Le coût des salaires en France n’est pas ­problématique”

Liaisons Sociales Magazine | Salaires | publié le : 23.02.2015 | Thomas Schnee, à Berlin

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Depuis son rachat par l'allemand Class, l'ex-Renault agriculture a connu une révolution. Fléxibilité, productivité, dialogue social, son P-DG livre son regard sur la France.

Votre entreprise, qui s’est implantée en Chine et en Russie, continue à investir en France, réputée pour son coût du travail élevé. Pourquoi ?

La Russie et la Chine sont des marchés ­importants. Mais le rachat de Renault Agriculture a été bien plus déterminant pour Claas, car notre entrée sur le segment du tracteur marque une évolution structurelle profonde. Nous avons trouvé une activité délaissée, malade de sous-investissements, positionnée en bas de gamme. Depuis, nous avons réorganisé la production vers l’export, le haut de gamme, et investi 500 mil­lions d’euros. Parce que la France reste le premier marché agricole d’Europe.

En 2013, notre chiffre d’affaires France est supérieur à celui réalisé en Allemagne. Notre présence ici est d’autant plus incontour­nable qu’en Allemagne les perspectives d’expansion sont limitées. Le coût plus élevé des salaires en France, souvent considéré comme pénalisant, n’est pas problématique à nos yeux. Nous appliquons dans tous les pays une organisation de la production « made in Claas ». Les salariés français ayant un niveau de formation de premier rang, nous atteignons au bout du compte un niveau de productivité similaire dans toutes nos usines.

Qu’est-ce qui vous a frappé en arrivant en France ?

La mauvaise relation des partenaires sociaux dans les entreprises en général. Il y règne un profond manque de confiance, une agressivité. Moi, en tant que patron, j’ai eu l’impression de ne pouvoir être autre chose que l’ennemi. C’est extrêmement blessant. Par ailleurs, l’environnement juridique et réglementaire est complexe et fastidieux. Prenez le nouveau règlement sur la mesure de la pénibilité du travail. En soi, la mesure n’est pas mauvaise, mais c’est un monstre bureaucratique. Ceci est particulièrement dommageable pour les PME de 100 à 200 personnes, les entrepri­ses dont justement la France a besoin.

La négociation sur la flexibilité du temps de travail a été difficile…

En Allemagne, nous négocions avec le ­syndicat IG Metall, avec qui nous sommes régulièrement en désaccord et parfois en conflit. Mais la négociation aboutit parce que, de part et d’autre, la bonne marche de l’entreprise prime. Ici, j’ai vu des syndi­calistes pour qui l’important n’est pas la réussite de l’entreprise mais la victoire de leurs positions idéologiques, quelles qu’en soient les conséquences. Je n’avais jamais vu cela. Heureusement, ce n’était pas la position majoritaire chez les organisations syndicales et nous avons réussi à réunir tout le monde autour de la table. Parler ­ensemble, de manière transparente, sans agenda caché, c’est la base. Il faut aussi être conséquent dans ses annonces et dans ses promesses, et que tout le monde obtienne quelque chose. Les sa­lariés ont eu un treizième mois et, en échange, nous avons obtenu plus de flexibilité dans la production.

La troisième phase de modernisation de l’usine du Mans aura-t-elle des conséquences pour les salariés ?

Vous parlez de « Metronom 3 ». C’est un programme d’optimisation de la production que nous appliquons dans toutes nos usines. Il a pour objectif d’accroître nos ­capacités de production et la productivité, tout en améliorant les conditions de travail, par la limitation du bruit et des ports de charges sur le lieu de travail. Nous en sommes au début de la phase de planification, et commencerons à entrer dans la phase pratique à la mi-2015. Il n’y aura ­aucune conséquence pour les emplois.

Vous cherchez du personnel qualifié. Est-ce difficile en France ?

Notre politique est d’augmenter le nombre d’apprentis. En Allemagne, ils représentent 7,5 % de nos effectifs, ce qui est un pourcentage très élevé, qu’ils soient en formation initiale courte ou engagés dans des études supérieures longues. En France, nous mettons les bouchées doubles pour développer l’apprentissage, en multipliant les coopérations avec les universités, en nous faisant connaître via les réseaux sociaux professionnels. Malgré l’image peu glamour du machinisme agricole, comparée à celle de la construction automobile, nous commençons à avoir des résultats très intéressants. Je suis optimiste.

Auteur

  • Thomas Schnee, à Berlin