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« Le sujet des compétences reste la première préoccupation de nos chefs d’entreprise » (Hubert Mongon, UIMM)

Organisation RH | publié le : 17.05.2023 | Benjamin d'Alguerre

Hubert Mongon, délégué général de l'UIMM

Hubert Mongon, délégué général de l'UIMM

Crédit photo DR

Il ne reste que huit mois aux entreprises de la métallurgie avant l’entrée en vigueur de la nouvelle convention collective de la branche. Un nouveau cadre conventionnel qui a demandé trois ans de préparation et cinq de négociations aux partenaires sociaux et qui révise de fond en comble les règles sociales en vigueur. Comment la métallurgie se prépare-t-elle à l’échéance dans un contexte économique chaotique pour l’industrie française ? Point d’étape avec Hubert Mongon, délégué général de l’UIMM.

Un an et demi après la signature de la nouvelle convention collective de la métallurgie, comment se passe sa déclinaison dans les territoires par rapport à certains particularismes locaux ?

Hubert Mongon : Le travail de déclinaison territoriale de la nouvelle convention collective a débuté au printemps 2022 et s’est achevé à l’automne. L’objectif était de permettre l’application de la nouvelle convention collective nationale sur l’ensemble du territoire. A ce jour, soixante-et-onze territoires sur soixante-seize ont signé un accord pour mettre fin à l’application de leurs anciens textes et permettre ainsi l’application de la nouvelle convention. Dans le même temps les partenaires sociaux, ont pu, dans certains de ces territoires, signer des accords autonomes, afin de préserver des particularités locales non traitées dans le texte national. Enfin nous ne comptons que cinq territoires où la partie patronale a dû prononcer la dénonciation de l’application de la convention collective territoriale.

Les questions de classifications, de reconnaissance des diplômes et de l’expérience acquise ont constitué d’importants points d’achoppement entre employeurs et représentants des salariés pendant la négociation. Qu’en est-il aujourd’hui ?

H.M : Si la négociation portait sur neuf thèmes (temps de travail, protection sociale, santé au travail, emploi-formation, rémunérations, dialogue social en entreprise, etc.), le seul sujet des classifications, sur lequel nous avions commencé à travailler dès 2015, a occupé à lui seul dix-huit mois de négociation avec les organisations syndicales. Il s’agissait d’un chantier majeur qui a abouti à la mise en place de six critères classants remplaçant les quatre que recense l’actuelle classification. Nous nous sommes réellement donné les moyens de parvenir à un large compromis sur ce sujet, avec un important travail de préparation en amont et, durant les négociations, la réalisation permanente d’expérimentations dans des entreprises volontaires pour tester nos hypothèses. Durant tout le processus, nous nous sommes collectivement – organisations syndicales et UIMM– engagés à tester nos propositions sur le terrain afin de produire une grille des classifications la plus pertinente possible. Et cette méthode a prouvé son efficacité. A la fin du parcours, deux entreprises – une PME d’une vingtaine de salariés et une autre de plus grande taille– ont accepté de menerune expérimentation en liaison avec un groupe de travail composé de représentants des organisations syndicales et de l’UIMM. Tout cela a abouti à la rédactiond’une nouvelle classification des emplois, la rédaction d’un « glossaire » paritaire ainsi qu’un guide pratique à destination des entreprises. Travauxauxquels toutes les organisations syndicales ont participé, y compris la CGT.

Mais en fin de négo, elle n’a pas signé…

H.M : Non. Nos divergences philosophiques sur la question des classifications étaient trop profondes. Comme il est courant de le faire, le système de classification proposé par l’UIMM a pour objet de décrire les emplois et de les classer. Il s’agit de décrire la réalité des activités réalisées par un salarié. La CGT, contrairement aux autres organisations syndicales et à l’UIMM, souhaitait d’une part qu’il soit tenu compte des qualités et des compétences du salarié à son poste de travail (ce sujet est du ressort de la politique RH de l’entreprise et non de l’accord de branche) et d’autre part portait un projet de refonte de la grille des classifications en cinq catégories calquées sur celle de l’Éducation Nationale. Leur projet ne recouvrait donc pas la nature des emplois exercés dans les entreprises. Nous ne sommes malheureusement pas parvenus à nous entendre.

Sur le terrain, comment la branche aide-t-elle les entreprises à s’emparer de cette nouvelle convention  au 1er janvier 2024 ?

H.M : Certains chapitres, comme celui de la protection sociale, sont déjà rentrés en vigueur au 1er janvier de cette année. Dans les grands groupes, des accords de méthode pour le déploiement de la nouvelle convention collective ont été souvent négociés. Pour les plus petites entreprises, nous avons conscience que cette nouvelle convention collective représente un véritable challenge. Nous avons en effet mis fin à un corpus de textes conventionnels dont l’essentiel date des années 1970 et même des années 1950.Nous avons néanmoins conscience que le travail de description et de classement des emplois nécessitent un accompagnement des PMI. L’UIMM a ainsi développé, via ses relais territoriaux, un réseau de correspondants en charge de ce dossier et des outils pour les chefs d’entreprises afin de leur faciliter la mise en œuvre de ces nouvelles dispositions qui entreront en vigueur l’an prochain et bien sûr répondre à toutes leurs questions. C’est le travail quotidien des UIMM territoriales qui épaulent les chefs d’entreprises et leurs équipes RH pour déployer notre nouveau dispositif conventionnel. La méthode de déclinaison territoriale de la convention collective par le dialogue social a aussi constitué une porte d’entrée pour faire de la pédagogie auprès des dirigeants.

Au-delà de ce changement conventionnel, quels sont aujourd’hui les défis auxquels sont confrontés les chefs d’entreprises de la métallurgie ?

H.M : Lorsqu’on leur pose la question, le sujet des compétences revient presque toujours en première position, avant d’autres problématiques comme les coûts de l’énergie et de production, la compétitivitéou la capacité à développer de l’industrie en France. Nous comptons pour la seule métallurgie quelques 30 000 postes non pourvus, soit à nous seuls, la moitié des besoins totaux de l’industrie. Les carnets de commande sont plutôt pleins, mais nos chefs d’entreprise peinent à répondre aux attentes de leurs clients faute de disposer des compétences nécessaires. Et la pénurie risque d’aller en s’aggravant puisque l’Observatoire de la métallurgie estime à 110 000 emplois chaque année les futurs besoins des entreprises de la branche à l’horizon 2025-2026. Nous subissons conjointement les effets de la vague massive de départs en retraite des salariés de la génération du baby-boom, associée à un besoin croissant de compétences dans les métiers support (logistique, data scientists, responsable qualité, etc.) ainsi qu’à la transformation profonde de certains de nos métiers (métreurs, usineurs, chaudronniers…) du fait des évolutions technologiques et numériques de nos entreprises.

Pour faire face à la crise Covid, la métallurgie a initié le premier accord d’activité partielle longue durée (APLD) en 2020 que l’Etat a ensuite retranscrit dans la loi, avant d’en prolonger les effets de douze mois en avril 2022. Où en êtes-vous aujourd’hui ?

H.M : Ces accords que la métallurgie a initié, ont permis à nos entreprises de passer le cap de la première vague de Covid lorsque certaines d’entre elles, dans l’aéronautique ou l’automobile, ont connu des baisses d’activité de 60 à 70%. Cela a permis à nos salariés de profiter de ce temps pour se former sur de nouveaux métiers et, d’une manière générale, l’accord a plutôt bien fonctionné. Le second accord de 2022 a eu un impact différent car le sujet de la pandémie était déjà largement derrière nous à ce moment-là. Cela ne nous a cependant pas empêché d’en reprendre le principe pour le pérenniser car la métallurgie est toujours soumise à une concurrence mondiale très forte.L’Inflation Reduction Act (IRA) américain d’août 2022 (qui permet le déblocage d’aides aux entreprises présentes sur le territoire américain à hauteur de 370 milliards de dollars pour leur transition écologique, NDLR) contribue à à déclencher de nouveaux investissements industriels sur le sol américain et de profiter ainsi, outre d’aides, d’une énergie abondante à un prix largement inférieur à celui que nous connaissons en France et en Europe.. Ces préoccupations pour le devenir de notre industrie ont d’ailleurs contribué aux mesures annoncées la semaine dernière par Emmanuel Macron pour réindustrialiser notre pays. 

 

Auteur

  • Benjamin d'Alguerre