Strasbourg, Toulon, Paris, Angers, Rennes, Poitiers, Bordeaux, Lille, Lyon et Marseille… les livreurs à vélo se sont réunis dans les rues des grandes villes françaises, le 24 octobre, pour protester contre la « déconnexion » de plusieurs milliers d’entre eux.
L’affaire remonte à plusieurs mois, avec la mise en lumière de l’existence de réseaux de livreurs, louant des comptes auprès des principales plateformes de livraisons de repas – Uber Eats, Frichti, Deliveroo ou Stuart – puis sous-louant ceux-ci à d’autres livreurs – sans-papiers, l’essentiel du temps – en échange de diverses commissions.
Face à ce système frauduleux, l’État a décidé en mars 2022 de resserrer la vis en imposant une charte des bonnes pratiques aux principaux leaders du secteur. Désormais, pour être autorisés à exercer, les livreurs devront plus régulièrement prouver leur identité, soit par des passages réguliers dans les locaux de la plateforme pour contrôle, soit par selfies hebdomadaires, assortis de nouveaux contrôles plus pointilleux pour tous les comptes dépassant les 5.000 euros de chiffre d’affaires. En cas de non-satisfaction à ces exigences, la sanction tombe immédiatement et se traduit par la déconnexion du livreur concerné, sans possibilité de travailler. 3.000 d’entre eux seraient concernés, rien que pour Uber Eats.
Problème : ces travailleurs déjà précarisés, souvent arrivés d’Afrique en passant par l’Italie, se retrouvent ainsi souvent en situation de précarité encore plus grande. « La plupart d’entre eux disposent seulement d’une carte de travail italienne qui leur permet de circuler et de travailler sur le territoire italien, et beaucoup ne maîtrisent pas le français pour obtenir une régulation de leur situation », explique Fabien Tosolini, délégué national d’Union-Indépendants, un collectif de livreurs et d’auto-entrepreneurs soutenu par la CDFT. L’organisation – qui est devenue l’un des syndicats représentatifs pour le secteur des livreurs en deux roues lors des premières élections des représentants des plateformes en mars-mai dernier – a déjà étudié près de 680 dossiers de demande de régularisation de ces professionnels soudainement déconnectés depuis l’été.
« En prenant cette décision, l’État n’a fait qu’augmenter le niveau de fraude illégale », s’agace Fabien Tosolini. Union-Indépendants et la CFDT demandent ainsi que la constitution d’un chiffre d’affaires pour un indépendant sans-papiers dispose du même niveau de prise en compte que des fiches de salaires pour obtenir une régularisation. Le sujet pourrait d’ailleurs être évoqué à la table de négociation du socle minimal de droits sociaux pour les chauffeurs VTC et les livreurs en deux roues, dont les débats ont débuté le 18 octobre.