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Uber et Lyft s’accrochent à l’indépendance des conducteurs new yorkais

Marché de l'emploi | publié le : 16.11.2021 | Caroline Crosdale (à New York)

Les conducteurs new yorkais qui travaillent pour les plateformes conservent leur statut de contractuels. La législation locale leur assure tout juste un minimum horaire et des indemnités de chômage.   

Cet automne, Uber se rappelle au bon souvenir des new yorkais avec une publicité télé pour Uber Eats. On oublie pendant le spot de 30 secondes le pauvre sort des conducteurs de la "gig economy" (économie des petits boulots) pour rire devant les costumes du chanteur Elton John et du rappeur Lil Nas. Elton John, dans un costume rose vif, signé Versace, Lili Nas, tout en plumes et sequins. Les deux viennent de se faire livrer via Uber Eats des repas différents… et discutent avec force arguments l’intérêt d’assaisonner ses frites à la mayonnaise.

Uber a survécu à la pandémie, en développant des affaires parallèles : Uber Eats, la livraison de repas à domicile, ou encore la publicité sur les toits des taxis. Au plus fort de la crise, les plateformes Uber et son concurrent Lyft ont vu la demande s’écrouler. Les consommateurs de l’État de New York, qui selon la société d’études Edison Trends, représentent à eux seuls 23 % du marché américain sont beaucoup moins sortis. Les chauffeurs ont eu peur de tomber malades. Et le nombre des inscrits sur les plateformes s’est réduit. Il a baissé de 29 % en aout 2021 par rapport à la même époque de 2019, avant la Covid-19.

Malgré ces temps difficiles, le statut des chauffeurs, classés contractuels, n’a pas changé. L’achat de la voiture, son entretien et les pleins d’essence restent à leur charge. Et les plateformes ne se préoccupent ni de leur assurance maladie, ni des cotisations retraite. Comme le rappelle la plainte déposée en aout devant la cour fédérale de New York, dite "Chandra contre Lyft", l’assurance auto, les dépenses de portables et frais divers restent à  la charge du conducteur. Le plaignant qui espère rallier à sa cause d’autres chauffeurs est représenté par le cabinet juridique Lichten, Liss et Riordan. Il invoque une erreur de classification et demande à être reconnu comme employé, ayant droit au paiement d’heures supplémentaires, et autres avantages des salariés.

La justice ordonne le paiement du chômage

En attendant, les 80 à 8 5 000 chauffeurs de la cité restent des indépendants contractuels. Grâce à  une loi votée par la ville, ils bénéficient d’un minimum horaire, après dépenses de 17$. Et la Covid-19 ayant sérieusement réduit les rangs des candidats conducteurs, les tarifs proposés par Uber et Lyft ont augmenté pour raviver l’envie de prendre le volant. Selon le site Ridester, les chauffeurs new yorkais ont gagné en moyenne un petit peu plus de 26 $ de l’heure en 2020.

Ils disposent aujourd’hui de pourboires, un droit pour lequel s’est battu le syndicat Independent Drivers Guild. Et grâce à l’action en justice de la New York Taxi Workers Alliance, ils peuvent toucher le chômage. La juge LaShann DeArcy Hall a en effet décidé que l’État de New York prenait beaucoup trop de temps pour payer ces indemnités… les plateformes traînant des pieds pour fournir les documents nécessaires. Et elle a ordonné à l’État de mettre en place une équipe de fonctionnaires, afin d’accélérer le traitement des dossiers.

La coopérative en alternative

Chaque avancée est longuement négociée avec les plateformes, les directions d’Uber et Lyft se déclarant vent debout contre le statut d’employé. Car, répètent-elles à l’envi, les chauffeurs employés entraîneraient une hausse des couts de 20 à 30 %.

C’est dans cette ambiance qu’un projet de loi new yorkais a un temps été discuté avec les élus locaux. L’idée, portée par l’Independent Drivers Guild était d’accepter la formation d’un syndicat qui négocierait les tarifs avec les employeurs. Ce syndicat soutenu par Uber et Lyft serait le seul représentant des conducteurs. Les contractuels auraient alors droit à certains avantages, moins généreux que ceux des salariés. Et ils devraient s’engager à ne pas faire grève pendant les négociations. Ces clauses restrictives défendues par les plateformes ont fait capoter le projet et la législation n’a jamais vu le jour.

Contractuel un jour, contractuel toujours ? Une coopérative Co-op Ride qui a vu le jour en mai dernier propose d’améliorer le statut. Ses créateurs, parmi lesquels un syndicaliste Erik Forman et une ancienne d’Uber en Afrique de l’Est, Alissa Orlando, promettent de mieux traiter les conducteurs.  Ils prennent une commission moindre sur chaque course et promettent de futurs dividendes aux actionnaires chauffeurs. Chez Co-op Ride, la part de la course qui revient à la plateforme se limite à 15 %, au lieu des 25 % d’Uber. Et personne ne peut être éliminé sur plainte d’un client, sans avoir exposé son point de vue devant ses pairs. Pour atteindre l’équilibre financier, Co-op Ride a besoin de réaliser 1 300 voyages par jour.

 

 

 

 

Auteur

  • Caroline Crosdale (à New York)