Le Gouvernement vient de dévoiler son plan pour favoriser l’emploi saisonnier, alors que les employeurs qui y recourent manquent de bras. Si la formation, l’accompagnement et le logement font partie des priorités, l’exécutif n’entend pas toucher au durcissement des règles d’assurance-chômage qui pénalisent les saisonniers.
L’été approche et, avec lui, les difficultés de recrutement pour les emplois saisonniers. Selon l’enquête annuelle « besoins en main-d’œuvre » de Pôle emploi, la demande de bras saisonniers représente 910 000 emplois en 2023, dont 270 000 dans l’agriculture et 220 000 pour le seul secteur du tourisme, qui repose à 60 % sur cette main-d’œuvre temporaire pour couvrir la saison estivale. Mais face aux difficultés pour attirer et fidéliser les candidats, les employeurs tirent la sonnette d’alarme. En 2022, 30 % des emplois saisonniers n’ont pas trouvé preneurs. Une proportion inquiétante : « Si on perd les saisonniers dans le tourisme, on va avoir des problèmes pour maintenir l’activité touristique en France », observe David Cluzeau, directeur d’Hexopée, une fédération patronale de l’ESS qui chapeaute l’animation socioculturelle et emploie chaque été environ 30 000 saisonniers dans ses colonies et centres de vacances, tout en constatant une crise des vocations depuis 2021..
Alors que l’exécutif a fait du plein-emploi un objectif majeur du quinquennat, les ministères du Travail, du Tourisme et des PME ont défini un plan de bataille sur trois ans pour réduire les tensions sur le recrutement que connaissent les activités saisonnières. Pas simple. « Ce sont des emplois fragiles. Un salarié sur deux – hors étudiants - qui pratique un métier saisonnier n’y revient pas l’année suivante. Il existe toute une problématique de maintien des flux et de fidélisation », confie-t-on dans l’entourage d’Olivier Dussopt.
Former, accompagner, loger
Pour ce faire, le plan saisonnier s’articule autour de trois grandes priorités : former les saisonniers pendant l’intersaison pour maintenir et développer leurs compétences, mieux les accompagner pendant l’intersaison et, enfin, réduire leurs difficultés de logement. Le problème des salaires, lui, a été renvoyé aux négociations sur les grilles de rémunération que l’exécutif exhorte les branches à ouvrir ou poursuivre, depuis la fin de la période Covid. Certaines, comme l’hôtellerie-restauration ont répondu présentes, d’autres tardent à s’engager… « Aujourd’hui, notre grille ne comprend plus aucune qualification rémunérée en dessous du Smic et certaines catégories ont connu des hausses salariales montant jusqu’à 16 % » rappelle Laurent Barthélémy, président de la branche saisonniers à l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (Umih). La branche des hôtels-cafés-restaurants s’est d’ailleurs lancée dans de nouvelles négociations pour redonner un coup de pouce aux rémunérations. Dans le secteur des résidences tourismes, tous les salaires ont connu une hausse comprise entre 4 et 5 % après une première augmentation de 8 % en 2022.
10 millions pour la formation
Côté Gouvernement, on veut se donner les moyens de sécuriser les filières. 10 millions d’euros seront mis cette année sur la table pour renforcer les moyens du FNE-Formation, ce fonds déjà mobilisé pour former les salariés en activité partielle durant la crise sanitaire. Ici, il s’agira de financer des formations « de 35 à 150 heures » aux bases des métiers saisonniers, aux soft skills demandées par des emplois ou à l’enseignement des prérequis pour certains secteurs comme l’hôtellerie-restauration. Pendant l’intersaison, les services de Pôle emploi et des missions locales seront mobilisés pour permettre à ces salariés de bénéficier d’un accompagnement renforcé. De leur côté, les branches employeuses de saisonniers sont invitées à plancher pour imaginer des passerelles entre métiers afin de garantir un emploi toute l’année aux salariés. Trente premiers territoires-test seront inaugurés dès 2023.
Mais un gros dossier concerne le logement. L’augmentation des tarifs locatifs décourage parfois les vocations et le Gouvernement propose d’y répondre par une mise à disposition des logements étudiants et des internats scolaires vides durant l’été (2 000 seront proposés cet été, 6 000 en 2025), la mise à disposition de 2 090 logements agréés Elan sélectionnés dans les parcs sociaux des collectivités ou la généralisation des logements saisonniers dans ces parcs sociaux. Une plateforme Internet mise en ligne au mois de juin devrait également recenser toute l’offre locative saisonnière et diffuser les bonnes pratiques locales pour inspirer les collectivités. Ainsi, à La Baule, les pouvoirs publics ont mis à disposition des saisonniers estivaux une partie de leurs campings municipaux. Idem à Argelès.
« Pas touche aux règles d’assurance-chômage »
Demeure cependant un frein majeur : depuis le durcissement des règles d’accès à l’assurance-chômage de 2019, nombre de saisonniers se retrouvent en fin de contrat avec des allocations fortement réduites, voire pas d’allocations du tout, faute de ne pas avoir travaillé suffisamment longtemps pour ouvrir des droits. Un problème, mais que le Gouvernement évacue : « Pas question de revenir là-dessus. Dans d’autres pays où il faut avoir travaillé douze mois pour être éligible aux indemnités chômage, ces règles n’entravent pas l’activité touristique », rétorque-t-on au cabinet du ministre du Travail. L’Umih, pour sa part, demande « une réforme du temps de travail des saisonniers », selon Laurent Barthélémy, avec un « lissage » des cotisations sur six mois pour faciliter l’ouverture des droits.